Se laisser charmer par Fuerteventura et Gran Canaria

Publié par Manon le

Se laisser charmer par Fuerteventura
et Gran Canaria

Du 4 au 18 octobre 2021 – 156 milles parcourus
À bord : Marion et Manon

• Navigations musclées et belles surprises à Fuerteventura
Du 4 au 6 octobre 2021

Au matin du 4 octobre, après une nuit très calme, nous nous réveillons au mouillage de Playa Mujeres sous un ciel gris et ne traînons pas à sortir du lit car le vent doit souffler généreusement, et se renforcer en cours de journée. Nous voulons simplement traverser les quelques milles qui séparent le sud de Lanzarote du petit port de Corralejo, au nord de Fuerteventura. L’idée est d’y passer quelques jours pour surfer et découvrir un peu la 2e plus grande île des Canaries, avant de rallier Gran Canaria par l’ouest de Fuerteventura.

Mais, en arrivant à Corralejo après une traversée musclée dans des vents déjà bien soutenus et une houle courte qui vient cueillir Kannjawou sur le côté et le fait tanguer à souhait, nous nous trouvons fort dépourvues… En effet, ce petit port, qui ne compte que quelques places d’accueil pour les visiteurs, est plein pour le soir et pour les jours à venir. Le mouillage à l’entrée du port est également rempli de bateaux, et ne semble en plus pas du tout abrité de cette houle qui nous a embêtées pendant la navigation : nous tentons d’y jeter l’ancre, mais Kannjawou est secoué comme un prunier et l’ancre fait un drôle de bruit métallique en touchant le fond… Tout ça n’augure rien de bon !

Nous prenons donc la décision de changer nos plans et de continuer notre route jusqu’au seul port de Fuerteventura qui nous annonce par téléphone avoir des places disponibles : la marina de la capitale de l’île, Puerto del Rosario. Celui-ci est situé à une vingtaine de milles de là, et il est déjà midi… Nous savons que la navigation sera agitée, mais au moins nous devrions voguer jusque-là bas à bonne vitesse et nous sommes sûres que Kannjawou sera bien à l’abri des vents soutenus annoncés les prochains jours.

Après quelques heures franchement remuantes dans 20-25 nœuds de vent établis et une bonne houle, pendant lesquelles nous nous émerveillons de l’incroyable bleu turquoise des eaux peu profondes aux abords de la petite île de Lobos, nous sommes accueillies à Puerto del Rosario par le vigile du port. Celui-ci, qui fait beaucoup d’efforts pour nous parler français et se débrouille plutôt bien, semble étonné et nous confie : « Eh bien, vous devez être de très bons marins pour naviguer dans ces conditions, beaucoup de voiliers ont prolongé leur séjour ici pour ne pas sortir aujourd’hui ! »

Nous établissons donc nos quartiers dans la capitale de Fuerteventura, qui nous paraîtra très agréable à vivre avec sa très belle promenade aménagée sur le front de mer, et son atmosphère authentique : sur cette île très touristique, ça fait plaisir de trouver des lieux peuplés principalement de locaux, qui y vivent et y travaillent au quotidien. Nous louons une voiture pour 2 jours, et partons explorer l’île. Notre 1er objectif, après un séjour à Lanzarote frustrant sur ce point : le surf ! Marion est déjà venue à Fuerteventura il y a quelques années pour un séjour surf avec l’UCPA et en garde un très bon souvenir…

Mais, sur le spot de La Pared où elle allait surfer à l’époque, les conditions sont vraiment costauds et il y a (encore) beaucoup de vent. Elle pourra tout de même se mettre à l’eau le 2e jour à El Cotillo, pour une session de l’extrême en mode « shore break » (c’est-à-dire avec des vagues cassant tout près du rivage, et donc avec très peu de profondeur d’eau : ce qui nécessite une grande prudence pour ne pas se faire mal ou casser sa planche !).

Nous concluons sur le thème « surf » avec un petit pique-nique avec spectacle offert par les surfeurs locaux experts sur la plage de El Hierro, non loin du charmant petit village de pêcheur de Majanicho, très isolé.

Entre 2 spots de surf, nous sommes très agréablement surprises par les incroyables paysages de montagnes ocres dans lesquels nous serpentons en voiture, qui nous font beaucoup penser à l’Atlas marocain. Nous pensions trouver à Fuerteventura une sœur quasi jumelle de Lanzarote, mais ses paysages sont tout à fait différents, et même globalement plus verts. Nous apprécions la vue sur ces montagnes depuis le mirador Morro Velosa et avons un énorme coup de cœur pour la ville coloniale de Betancuria, petite oasis de verdure très tranquille (et extrêmement photogénique) que nous découvrons à la golden hour.

Nous longeons rapidement les longues étendues de sable blanc éclatant des dunes de Corralejo, petit Sahara les pieds dans l’eau turquoise la plus chaude que nous ayons goûtée aux Canaries et ne résistons pas à piquer une tête sur ces plages sublimes, dignes des Caraïbes…

Dernier objectif pour nous pour ces quelques jours à Fuerteventura, et non des moindres : rencontrer les reines des lieux, nos copines les chèvres, qui produisent le fameux majorero, fromage AOP réputé bien au-delà des frontières canariennes. Nous faisons escale directement dans une laiterie-fromagerie où nous saluons les belles biquettes avant d’aller acheter le fruit de leur bon lait : MIAM !

Nous avions hésité à faire escale à Fuerteventura et pensions pendant un instant aller directement de Lanzarote à Gran Canaria, et c’est pourtant un déchirement de devoir quitter si vite Puerto del Rosario ! Nous nous attendions à trouver une île envahie de touristes allemands et hollandais, et nous rendons compte que ceux-ci sont en fait concentrés dans les villes réunissant les grands complexes hôteliers (comme Costa Calma) ou dans les lieux les plus touristiques, mais se font discrets partout ailleurs, où nous avons toujours été très tranquilles…

Nous avons beaucoup aimé l’atmosphère générale de cette île, chaleureuse, vivante et populaire : bisous à toi, l’île des vents forts ! 

• À toute berzingue de Fuerteventura à Gran Canaria
7 – 8 octobre 2021

La descente le long des côtes de Fuerteventura jusqu’à Morro Jable se fait dans des conditions de rêve : grand soleil, vue superbe sur les côtes montagneuses de l’île, juste ce qu’il faut de vent et une petite houle dans le dos. Sous génois tangonné, nous profitons tranquillement des joies de la sieste à l’avant, bercées par le bruit des vagues : de quoi faire aimer la vie de bateau à n’importe qui !

Nous passons une nuit tranquille amarrées au ponton abandonné et gratuit à l’écart du port de Morro Jable, après une manœuvre d’accostage perturbée durant laquelle nous manquons accrocher une pendille coulée que nous n’avions pas remarquée… Puis remettons les voiles très tôt, dans le noir complet et le calme plat du petit matin : pas le choix, si nous voulons être sûres d’arriver de jour à Las Palmas de Gran Canaria ! En effet, la 4e île des Canaries que nous visitons est plus éloignée de Fuerteventura que ne l’étaient les 3 premières, toutes proches les unes des autres à l’est de l’archipel.

Pourtant, nos précautions seront finalement bien superflues : fonçant à 7 nœuds de moyenne dans un bon vent de travers, bâbord amure (l’allure préférée de Kannja’), notre bateau-maison bat tous ses records et nous parvenons à destination à 16 heures, longtemps avant le coucher de soleil. Un peu vaseuses pendant toute la traversée, nous laissons la barre au pilote et nous abritons des vagues qui envahissent plusieurs fois le cockpit (bah oui, au travers on avance vite mais on prend aussi l’eau plus facilement !).

Une tortue Boba nous salue même alors que nous tournons le dos à Fuerteventura ! L’arrivée dans la grande ville industrielle de Las Palmas est, comme nous nous y attendions, un vrai choc après les petits ports du Fuerteventura : nous voilà dans la 8e ville d’Espagne, 700 000 habitants au compteur et plus de 1 200 places au ponton de la marina.

Mais ce n’est pas tant la vue de la grande métropole qui rend notre arrivée chaotique : les agents du port nous annoncent d’abord à la VHF qu’il n’y aucune place à la marina et que nous devons aller au mouillage… mais que nous pouvons tout de même aller nous amarrer au ponton d’accueil « au cas où ». Grand bien nous en prend, puisqu’on nous trouve immédiatement une place libre (au milieu de plusieurs autres !) : une pratique apparemment habituelle à la marina de Las Palmas, la moins chère et une des mieux abritées des Canaries, et donc généralement très convoitée.

 

Mais nous sommes vite envahies par la panique quand nous découvrons que nous allons devoir nous amarrer, non pas sur un catway comme nous en avons l’habitude, mais avec des pendilles, c’est-à-dire des cordages amarrés à des corps morts au fond de l’eau ! Branle-bas de combat, comment on prend une pendille ?! Nous ne sommes pas des Méditerranéennes nous, et nous ne connaissons pas du tout ce mode d’amarrage, écarté par les ports de la Manche et de l’Atlantique du fait des marnages importants qui rendent impossible l’emploi des pendilles.

 

Avec l’aide du marinero, nous ne nous en sortons pas trop mal et parvenons à amarrer Kannjawou, mais au prix d’une incroyable quantité de vase, d’organismes marins en tous genres, et même de notre propre sang, répandus sur le pont… Pfiou, que d’émotions ! Quelques tapas sur le port pour fêter ça et commencer à organiser notre séjour à Gran Canaria, pour une dizaine de jours : mode touristes, le retour !

• Beautés et travers de Gran Canaria
Du 9 au 14 octobre 2021

Après une journée de nettoyage et rangement, premiers petits achats dans les nombreux magasins d’accastillage de la marina et session de surf pour finir sur le spot de la Cicer, situé idéalement sur le front de mer du centre-ville, ce sont cette fois les parents de Marion que nous retrouvons pour une petite semaine.

Ils sont logés au sud de l’île, à Taurito, qui rassemble bon nombre de complexes hôteliers assez monstrueux dans cette zone la plus sèche et la plus ensoleillée de l’île, et donc très loin du port de Las Palmas où nous avons établi nos quartiers pour la semaine : près d’une heure de route, en contournant le centre montagneux de Gran Canaria. Pour faciliter nos visites et profiter de leur présence, nous laissons donc Kannjawou pour aller passer 2 nuits à l’hôtel à Taurito : douche chaude à volonté, cuisine équipée, balcon vue sur mer, lit king size et piscine à disposition… le luxe quoi !

Commence alors une semaine d’explorations, de promenades et d’agapes-tapas riches et variées. Nous sommes séduites par les belles demeures de style colonial de la vieille ville de Las Palmas, avec leurs portails et balcons ouvragés en bois, et nous goûtons au calme indolent régnant dans ces rues peu fréquentées, où il fait si bon s’attabler en terrasse à toute heure.

Nous retrouvons le même charme colonial très paisible dans la ville d’Arucas, où nous visitons également la fabrique du célèbre rhum Arehucas. C’est en ajoutant à du rhum au moins 2% de miel local qu’on obtient le fameux « ron miel », spécialité des Canaries souvent dégustée à la fin du repas en « chupito » (shooter) couronné de chantilly… muy bueno ! Mais nous sommes surtout stupéfaits d’apprendre que c’est à partir de plants de canne à sucre de Gran Canaria, importés par Christophe Colomb lors de ses voyages, que verra le jour le rhum de Cuba…  C’est donc d’Europe que le fameux breuvage tire son origine !

Nous traversons sous le cagnard l’étonnant Sahara local des dunes de Maspalomas, coincé entre l’océan et la ville très touristique de Maspalomas, respirons l’air pur du charmant village de San Bartolome de Tirajana perché à 800 m d’altitude, admirons les reliefs arides des montagnes du sud de l’île et les mille nuances de couleurs des strates de roche volcanique solidifiée de Los Azulejos et traversons d’incroyables « barrancos », ces vallées formées de grand ravins encaissés au fond desquels coulent les cours d’eau et s’épanouit la végétation.

Suivront quelques petits « ploufs » bien appréciables, dans les piscines naturelles de Puerto de las Nieves entourées de falaises volcaniques ou sur la fameuse mais très fréquentée Playa del Ingles ; une promenade sur le port et dans les rues proprettes et très fleuries de Puerto de Mogan (un vrai petit Saint-Tropez des Canaries !) ; et une visite fort instructive du site archéologique Guanche de Cueva Pintada dans la ville de Galdàr. Il s’agit en fait de vestiges très bien conservés d’un village guanche (les premiers habitants des Canaries, avant la conquête espagnole), qui en disent long sur les modes de vie de ces autochtones

La ville de Galdàr a été construite sur ces ruines, le site archéologique (déjà très vaste !) ne montre donc qu’un fragment de l’ancienne ville guanche. Le clou de ce site est donc la fameuse « cueva pintada », non pas la « cave pintade » mais la « grotte peinte » où sont visibles de magnifiques fresques colorées très bien conservées. Avec une petite visite guidée en français pour couronner le tout, on est vraiment bien accueillis dans ce musée !

• Derniers jours à Las Palmas avec les copines
Du 15 au 18 octobre 2021

Après le départ des parents de Marion, nous prenons le temps pour quelques petites courses, lessives, nettoyages à bord et installation d’un nouveau sous matelas anti-condensation en fibres de coco dans la cabine arrière : amélioration du confort et aération de la literie garantis ! Mais nous nous aventurons aussi sur les routes tortueuses de l’intérieur des terres pour rejoindre Artenara, le village le plus haut de Gran Canaria, à 1 270 m d’altitude. Le village est connu pour ses maisons troglodytes, anciens domiciles des aborigènes de Gran Canaria, qui font encore partie des maisons des habitants d’aujourd’hui : la partie troglodyte est désormais consacrée aux chambres à coucher, et une extension moderne à été construite pour abriter les autres pièces de vie.

Nous partons d’Artenara pour une petite randonnée dans l’immense pinède qui constitue le parc naturel de Tamadaba : voilà longtemps que nous n’avions pas fait une petite promenade en forêt, après les paysages volcaniques arides des îles précédentes et du sud de Gran Canaria ! Et la vue sur les massifs environnants en vaut la chandelle… Les pins canariens, espèce endémique qui constitue la majeure partie de la forêt, ont la particularité de bien résister aux feux de forêt, grâce à l’épaisseur de leur écorce très riche en sève, mais aussi à leur capacité à se régénérer rapidement en faisant des rejets directement depuis leur souche.

Le vendredi soir, c’est au tour des copines éditrices de chez Hachette de nous rejoindre à Las Palmas : nous avons seulement 3 petits jours pour les faire voyager loin de la grisaille automnale de Paris, challenge accepted !

 

Nous commençons par les amener dans ce qui nous a semblé le plus beau coin de l’île : les montagnes du centre et le point de vue saisissant sur les massifs de Altavista et Tamada depuis la Cruz de Tejeda, où une croix marque le centre géographique de Gran Canaria. Le temps de quelques photos souvenirs au soleil devant l’immense caldera de Tejeda, qui est en fait le plus grand ancien cratère de l’île, et nous profitons d’un déjeuner au soleil et d’une promenade dans l’adorable village de Tejeda. Construit à environ 1 000 m d’altitude, Tejeda est niché au milieu d’un paysage montagneux très vert, jalonné de cultures en terrasses et d’amandiers, dont les fruits servent à la confection des pâtisseries aux amandes qui font la renommée de la région.

Un peu de farniente et baignade (presque) pour tout le monde sur la plage de sable noir de Sardiña Norte, une soirée dans un des bons restos créatifs de Las Palmas, puis la découverte avec les filles de l’ambiance d’Amérique latine endormie de la vieille ville. Nous visitons ensemble la « Casa de Colon », un incontournable de Gran Canaria. Bel hôtel particulier, le gouverneur de Gran Canaria y reçut Christophe Colomb à plusieurs reprises, alors qu’il faisait aux Canaries sa dernière escale avant de hisser les voiles de la Pinta, la Niña et la Santa Maria vers l’inconnu et les « Indes ». Le musée regroupe des informations et reconstitutions sur les expéditions de Colomb, mais aussi sur les représentations du monde à l’époque ou les relations entre les Canaries et les Amériques, et regroupe même une belle collection d’objets de l’époque précolombienne. Mais le clou du spectacle reste bien sûr la rencontre avec deux magnifiques aras colorés qui logent dans les 3 beaux patios de la demeure, et rappellent les perroquets ramenés par Colomb à Isabelle de Castille au retour d’un de ses voyages.

Pour dire aurevoir aux copines et à Las Palmas, nous faisons une petite incursion clandestine dans la piscine de leur hôtel et profitons d’un apéro-room service avec coucher de soleil sur l’océan depuis leur balcon du 6e étage. Allez, on peut dire que la vie est douce aux Canaries !

Nous n’avions pas de grosses attentes de Gran Canaria, et encore moins de son immense capitale, mais nous avons aimé le côté vivant et authentique de Las Palmas, ses services, ses évènements culturels, sa vie nocturne, le charme du mercado del Puerto et ses milles tapas alléchantes… Dommage que la marina, si bon marché, soit excentrée par rapport aux points d’intérêt, nous obligeant à d’innombrable trajets en « guaguas », les bus locaux (prononcer « wawa », à la canarienne), pour rejoindre nos destinations.

 

Kannjawou a déjà hâte de remettre les voiles pour retrouver de nouveaux bateaux-copains, croisés rapidement cette semaine-là sur les pontons de Las Palmas entre deux visites aux 4 coins de l’île. Prochaine escale : Tenerife et le mythique Teide ! 


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