La rude et grandiose El Hierro : notre au revoir aux Canaries

Publié par Manon le

La rude et grandiose El Hierro :
notre au revoir aux Canaries

Du 21 octobre au 8 novembre 2022 – 94 milles parcourus
À bord : Manon et Marion

Le 21 octobre en fin d’après-midi, Kannjawou pointe l’étrave dans la marina flambant neuve de La Estaca, après une navigation agréable dans une longue houle, avec plusieurs heures au moteur pour s’extraire laborieusement du dévent au sud de la Gomera, puis une seconde moitié de trajet sous voiles au travers comme on les aime. Capitaine Marion nous mitonne même un petit filet mignon en navigation – selon la recette familiale : un délice !

Nous étions prévenues, mais nous sommes tout de même saisies en entrant dans le port : la marina est presque complètement vide et notre désarroi est grand au moment de choisir notre place ; nous ne sommes pas habituées à avoir tant de possibilités et tant de place pour manœuvrer ! Sitôt amarrées, nous levons les yeux vers les falaises à pic qui nous entourent, et goûtons au calme prégnant de l’endroit : quelques maisons, une petite route qui serpente en descendant des montagnes, une gare maritime toute neuve mais quasi vide, des bêlements de chèvres dans les falaises, des touffes de végétation grasse qui se détachent sur la terre ocre, et une belle plage de galets aux eaux limpides, bien aménagée pour la baignade. Nous sentons tout de suite que nous allons nous plaire dans ce petit bout du monde paisible, isolé de tout.

• Plongées dans les dessous d’El Hierro : passage de notre Open Water Diver PADI

Nous profitons tout de suite de ce calme ambiant puisque nous venons de nous inscrire pour passer toutes les deux notre certification de plongée PADI « Open Water Diver » dans un des nombreux clubs de plongée du sud de l’île. En effet, toute la zone sud d’El Hierro est une réserve de plongée nommée « Mar de las calmas » (mer des calmes), classée parmi les 100 plus beaux spots de plongée du monde par Cousteau lui-même… et nous pouvons y bénéficier de tarifs vraiment très intéressants pour y suivre cette formation, qui nous permettra ensuite de plonger en autonomie ou accompagnées partout dans le monde.


Avant de nous atteler à la pratique, nous devons d’abord passer par nous-mêmes, en ligne, toute la partie théorique du diplôme : nous restons donc enfermées presque toute la journée pendant 3 jours à La Estaca pour valider en accéléré les différents modules de la formation… Même si ces journées sont ponctuées par les rencontres et les retrouvailles avec les copains de passage, nous en reparlerons !

Les 3 jours de pratique qui suivent sont particulièrement intenses : 2 plongées par jour dans le petit port de La Restinga, à plus d’une heure de route de La Estaca, durant lesquelles nous exécutons une batterie d’exercices en tous genres (du partage d’air avec son binôme à la nage sans masque pendant plusieurs mètres avant de remettre le masque sous l’eau) et nous familiarisons avec le matériel et les gestes et les savoir-faire du plongeur. Tous ces exercices trouvent leur aboutissement le 3e jour de pratique, où nous sautons dans le bateau du club avec tout notre matériel pour aller plonger en milieu ouvert, 2 fois dans la journée. Nous explorons 2 magnifiques spots de la réserve, à la géographie sous-marine particulièrement remarquable, et observons avec bonheur les nombreux perroquets, énormes mérous, murènes, langoustes, poissons trompettes, demoiselles des Canaries, carangues, petites seiches et autres sars.

Nous voilà donc plongeuses certifiées : nous sommes ravies de cette formation chez Green Shark à El Hierro (que nous vous recommandons chaudement !), et avons hâte d’explorer les plus beaux fonds marins qui se trouveront sur notre route…

• À la rencontre des terres herreñas, de surprise en surprise

Entre 2 plongées, nous tirons profit au maximum de la voiture (que nous avons louée pour une semaine pour nous rendre tous les jours de La Estaca à La Restinga), et sillonnons l’île afin d’en découvrir les multiples visages, qui nous réservent toujours plus de surprises.

Le charmant village de pêcheurs de La Restinga, où se concentrent tous les clubs de plongée de l’île
La sauvage et minérale playa del Tacoron
Valverde, capitale très tranquille : la seule capitale des îles des Canaries à ne pas se trouver au bord de la mer !
Amphithéâtre naturel d’El Golfo, créé par l’affaissement d’un cratère volcanique
Ecomusée de Guinea : reconstitution d’un village montrant les habitats et les modes de vie des premiers habitants de l’île (les Bimbaches), puis des colonisateurs établis sur ces terres, à partir de vestiges archéologiques retrouvés sur les lieux.
Les incroyables pâturages presque écossais du centre de l'île et leurs petits murets

Piscines naturelles et mer déchaînée

Piscines d’eau de mer de La Caleta, bien rafraîchissantes après 1 h de marche depuis la marina

Nous retiendrons d’El Hierro ses paysages sauvages et spectaculaires, ses grandes étendues préservées mais souvent hostiles, la rudesse et le caractère à part de ses habitants. Car décidément, El Hierro est vraiment une île à part aux Canaries. Très isolée, aride, balayée par les tempêtes, la plus petite des 7 îles de l’archipel a peu d’atouts en théorie. Choisir d’y habiter est un engagement et une fierté.

Et pourtant, elle a su tirer parti de sa situation d’isolement et des ressources dont elle dispose. Modèle d’engagement écologique, l’île a été entièrement convertie à l’agriculture biologique. Il y a quelques années, les habitants ont réussi à empêcher la construction d’une base de lancement de fusée sur l’île. Mais surtout, El Hierro est également quasiment autonome en énergie, grâce à un modèle unique au monde et très raisonné. Cinq éoliennes exploitent la ressource principale de l’île : le vent des alizés qui soufflent quasi sans discontinuer sur les côtes. En complément du vent, ce modèle tire parti d’une autre particularité d’El Hierro : son altitude élevée, ses côtes abruptes. Quand l’énergie produite par le vent est excédentaire (souvent), l’électricité sert à alimenter des pompes qui transportent de l’eau d’un bassin situé au niveau de la mer jusqu’à un bassin situé en altitude. Les jours où le vent ne souffle pas, l’eau du bassin d’altitude est relâchée et, par gravité, fait tourner les turbines d’une centrale hydroélectrique avant de rejoindre le bassin inférieur. L’électricité ainsi produite par le vent et/ou l’eau dessert les foyers de l’île et est utilisée pour la désalinisation de l’eau de mer, très énergivore, dont dépend entièrement El Hierro pour son alimentation en eau douce.

Les mois où le vent souffle assez régulièrement, El Hierro est complètement autonome en énergie, et les Herreños ne font appel que ponctuellement à l’ancienne centrale électrique au diesel, en fonction des conditions météo.

• Copains et bricolages à La Estaca

Entre deux péripéties sous l’eau et explorations touristiques, nous passons beaucoup de temps sur les pontons de la marina. Nous avons encore pas mal de détails à régler pour venir à bout de la longue liste de choses à faire qui nous occupe depuis 6 mois avant de partir pour le Cap-Vert. Remplacements de rivets de soutien de bôme (qui avaient sauté en arrivant à El Hierro), mise en place et mise en pratique de notre nouveau système de frein de bôme fruit de beaucoup de réflexions, remplacement des élastiques de coulisseaux de la GV, ménage, lessive à l’autre bout de l’île faute de laverie à La Estaca, dernières courses européennes avant la transat’, pleins divers… nous ne chômons pas, mais sommes souvent interrompues par le passage de nos (un peu plus nombreux qu’à notre arrivée) voisins de pontons (« Pas moyen de bosser ici ! »).

Eh oui, dans ce petit port perdu, nous multiplions les belles rencontres ! D’abord, nous faisons la connaissance en chair et en os de l’équipage Voiles sans frontières du voilier Malorine, avec qui nous sommes en contact depuis plusieurs semaines. Le courant passe vite avec Phil, Stéphanie et leurs incroyables Oscar-Malo et Lili-Marine, et tout aussi vite avec Guillaume et Amélie, les propriétaires de ce magnifique voilier bleu marine qui vient d’accoster au bout du ponton, et dont le nom nous annonce de futurs délices cap-verdiens puisqu’il porte le nom d’une plage mythique de Sao Vicente : Salamansa… Et puis ce sont les amis de Farsadennec, rencontrés à La Palma, qui nous rejoignent au port pour quelques nuits, dans des circonstances peu joyeuses puisqu’ils viennent de découvrir des dommages sur leur coque qui les empêchent de poursuivre leur voyage comme prévu. Mais cette escale leur permettra de faire de vrais plans pour la suite, et c’est avec de belles perspectives en tête qu’ils pourront de nouveau larguer les amarres.

Entre nous tous, il y a donc eu, surtout, cet « apéro-ponton », tous assis par terre autour du banc de cockpit de Malorine devenu « banc-à-péro » le temps d’une soirée qui se prolongera tard, bien tard dans la nuit. Quelques bonnes bouteilles, un délicieux riz aux fruits de mer improvisé, un chamboultout en cannettes de bière, un rendez-vous dentaire matinal et une mémorable partie de ZIK au milieu de la marina silencieuse tisseront entre nos 4 équipages des liens secrets, qui nous donnent l’impression d’être déjà de vieux amis. 

La magie et le déchirement de la vie de navigateurs nomades… Rencontrer et dire au-revoir presque en même temps, rencontrer vite et intensément, dire au-revoir sans jamais être certain qu’on se recroisera.

Une fois tout ce petit monde reparti vers la suite de leur périple, nous vivons une période de doute et de remise en question, réconfortées par les longues marches sur le front de mer, par le calme et les somptueux couchers de soleil de La Estaca (ces doutes aboutiront aux changements de programme évoqués dans cet article : nous vous y renvoyons pour plus de détails).

Nous prenons le temps de dire au-revoir aux habitudes et à la gastronomie canarienne, à cet archipel qui a accueilli notre Kannjawou pendant plus d’un an et où nous sentons désormais chez nous. Un dernier barraquito à 11h dans les rues de Valverde, un dernier stock de « tomate frito », un dernier « queso asado con mojo » avec un bon vin de El Hierro… 

Et puis, enfin, au midi du 8 novembre, nous quittons les larges pontons de La Estaca sous un beau soleil : devant nous, 750 milles nautiques et environ une semaine de mer jusqu’au Cap-Vert. Hasta luego Canarias y gracias por todo !


1 commentaire

ileduporteplume · 23 août 2023 à 10 h 58 min

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