De Lanzarote à Dakar en voilier de course-croisière

Publié par Manon le

De Lanzarote à Dakar en voilier de course-croisière

Du 11 au 25 novembre – 1 000 milles parcourus
À bord de See You Later Alligator avec Didier

Le 11 novembre 2021, nous quittons à contrecœur notre Kannja’ et le laissons bien en sécurité au port de Santa Cruz de Tenerife, toutes les amarres doublées, rangé à fond et protégé par une bâche qui lui donne une drôle d’allure… Attends-nous bien sagement, petit bateau, on te fait juste une petite infidélité pour aller faire du repérage au Sénégal avec une autre embarcation !

Puis nous rejoignons Lanzarote par avion (nous aurions préféré l’option ferry, mais c’est hors de prix) et retrouvons Alain et Marie-Christine à bord de leur superbe Moody 376 YalonYaler. Ce nom, qui rappelle les origines vendéennes de Marie-Christine, nous avait beaucoup plu quand nous les avions rencontrés à l’assemblée générale de Voiles sans frontières en juin, et le bateau lui-même nous plaît encore plus quand nous y embarquons.

Nous avons juste le temps d’installer nos affaires dans la cabine avant qui sera la nôtre pour toute la traversée, qu’Alain et Marie-Christine nous embarquent pour un incroyable concert de musique andine, dans une maison perdue dans la campagne du sud de Lanzarote, donné par le musicien et marin en herbe Ramiro et ses amis d’ici : pour le récit de cette soirée mémorable, nous vous renvoyons à cet article du blog.

Au concert, nous sommes également accompagnés de Didier, qui doit lui aussi se rendre au Saloum sous la bannière de Voiles sans frontières, et dont le bateau – un beau JPK 38, voilier de course-croisière – se trouve au même port que YalonYaler. Ce soir-là, abattu, il nous annonce une triste nouvelle qu’il vient d’apprendre : les 2 équipiers qui devaient embarquer avec lui jusqu’au Sénégal ne peuvent plus venir et se trouvent bloqués en France pour un moment… Didier, médecin généraliste à la retraite, est parti voyager au long cours en voilier depuis 9 ans ; il a fait le tour du monde et plus avec See You Later Alligator, mais il ne navigue plus seul aujourd’hui : il a plus de 70 ans et sa femme Dominique préfère qu’il prenne des équipiers. Son voyage vers le Sénégal se trouve donc compromis et il ne sait pas ce qu’il va faire…
La solution nous apparaît alors assez simple : après concertation avec Alain et Marie-Christine, qui acceptent de faire la route tous les 2, nous changeons d’embarcation et remballons nos sacs pour nous installer à bord de SYLA. Que de rebondissements !

Le lendemain, après un gros plein de courses et un briefing de présentation complet de SYLA avec Didier, nous passons la soirée sur YalonYaler avec Ramiro pour une visio avec les équipes de VSF, un point météo et un délicieux tajine mijoté par Marie-Christine : les prévisions sont un peu faiblardes mais qu’à cela ne tienne, demain on met les voiles vers Dakar !

• 7 jours en mer au calme au large des côtes africaines : une traversée idyllique

Nous mettrons une semaine pour parcourir avec Sea You Later Alligator les 1 000 milles séparant Lanzarote de Dakar. Nous prenons vite le rythme des quarts à 3 : 6 heures de dodo d’affilée quand tout va bien (c’est-à-dire la majeure partie du temps sur cette traversée), le grand luxe… SYLA est optimisé pour être manœuvré facilement en équipage réduit et nous prenons des notes pour améliorer plus tard le plan de pont de Kannjawou en s’inspirant de cette configuration. Bon, nous ne pourrons pas embarquer 3 tangons de 3 tailles différentes en carbone, ni même un gennaker, mais les barbers de spi ou encore la retenue de bôme nous inspirent beaucoup !

Didier nous fait très vite confiance pour gérer le bateau pendant qu’il se repose. Il faut dire que les conditions sont la plupart du temps très tranquilles (parfois même un peu trop) : mer quasi plate, vent léger (25 nœuds au maximum une nuit, mais la plupart du temps entre 6 et 15 nœuds) et temps souvent un peu couvert. Le grand spi symétrique rose de SYLA sera donc très souvent de sortie, et nous devenons vite expertes dans les manœuvres pour l’établir ou le remballer : grâce à l’absence de houle, nous parviendrons à avancer à vitesse raisonnable même dans de touts petits airs, sous nos yeux ébahis… Notre brave Kannjawou a besoin d’un peu plus d’air pour avancer convenablement, lui !

Dans ces conditions, la vie à bord est agréable, et même si elle est réduite au minimum vital – comme toujours en traversée, – nous pouvons presque normalement cuisiner, lire, écrire, écouter de la musique, regarder des films, potasser le Routard du Sénégal et le Guide du navigateur de VSF, ou simplement observer pendant des heures le reflet du soleil sur la mer. Nous pourrons même prendre notre toute première vraie douche en traversée le 5e jour : un bonheur rare ! Didier nous régale des histoires de ses navigations passées, lors de son tour du monde ou lors de son passé de régatier (plusieurs transquadras à son actif, dont une avec un podium à la clé !), ainsi que du répertoire de chansons qu’il a l’habitude d’entonner avec toute une troupe d’habitués au Caraïbe bar de Concarneau. Il nous raconte aussi les gens qu’il a rencontrés lors de ses voyages et lors de ses consultations comme médecin.

Nous discuterons même à la VHF avec Ian Lipinski, fameux coureur au large, que nous croiserons au coucher de soleil à bord de son class 40, venu chercher l’air près des côtes africaines en pleine transat’ Jacques Vabre !

Nous goûtons au plaisir d’être en mer, dans cet espace-temps si particulier où le paysage est à la fois toujours le même et toujours différent, où les jours se succèdent sur le même rythme en faisant les mêmes gestes, tout en n’étant jamais les mêmes, comme si nous étions perdus quelque part hors du monde et hors du temps.

Nous nous perdons avec plaisir dans de longs moments de contemplation des beautés qui nous entourent… Les astres et les nuages accompagnent nos quarts de veille : la nuit, lune et étoiles répondent aux lueurs du plancton fluorescent où viennent souvent sauter des myriades de dauphins curieux, qui restent parfois des heures à nos côtés ; le jour, ce sont d’infinies nuées de poissons volants qui planent dans les rais de lumière changeante du soleil sur des dizaines et des dizaines de mètres au-dessus de l’eau sur notre passage, comme une haie d’honneur argentée pour escorter SYLA là où il doit aller… mais va-t-on toujours quelque part, vous êtes sûrs ?

Étrange paradoxe des navigateurs que de désirer à tout prix l’arrivée (et le confort, le repos, les retrouvailles qui vont avec), tout en se demandant si on la veut vraiment…

Didier nous offrira une péripétie à mi-parcours en amenant SYLA jusque dans le chenal d’entrée de Nouadhibou en Mauritanie, entourés d’immenses pirogues de pêcheurs joliment peintes qui nous escortent depuis le cap Blanc, avant de se raviser pour repointer l’étrave vers Dakar. Les heures passées ensuite à longer le fameux banc d’Arguin de nuit, au milieu de centaines de petites pirogues de pêcheurs à peine éclairées (et bien sûr pas répertoriées sur l’AIS), en filant sous spi à 7 nœuds, donneront des sueurs froides à Marion, seule de quart pendant que le reste de l’équipage roupille. Sans parler des casiers et autres filets de pêche qui abondent évidemment, et sont invisibles dans la nuit !! L’un deux frottera la coque sans l’accrocher, et c’est le seul dommage à déplorer : nous avons eu de la chance… Quand Manon se lève quelques heures plus tard pour prendre son quart, nous nous sommes éloignés et plus personne n’est visible à l’horizon… Quelle drôle de vision ont dû avoir les pêcheurs mauritaniens, en voyant tout à coup surgir à quelques mètres d’eux une étrave affûtée surmontée d’un grand ballon rose et faiblement éclairée du halo des feux de navigation !

Si les premiers jours sont un peu frisquets, nous amenant à nous blottir profondément sous la couette pendant nos quarts de repos, nous tombons peu à peu nos différentes couches de vêtements, et un matin, en sortant dans le cockpit, nous sommes assaillis par une soudaine moiteur de l’air qui ne peut vouloir dire qu’une chose : ça y est, l’Afrique nous accueille, nous sommes près du but…

Et le 20 novembre au matin, dans cette brume africaine onirique qui diffuse sur tout l’horizon la lumière dorée du soleil levant, nous apercevons au loin les côtes du Sénégal et la péninsule de Dakar. Ce matin, pas de sieste de récup’ pour ceux qui ne sont pas de quart : tout le monde est sur le pont pour voir se dessiner les détails de la côte et guetter l’apparition des premières pirogues de pêcheurs. Colorées, peintes avec grand soin par leurs propriétaires, ces embarcations étroites et parfois pas bien longues, embarquent de grands groupes de pêcheurs dans les rudes vagues de l’Atlantique : aujourd’hui, il y a de la houle, et nous voyons souvent les pirogues (pourtant très proches de nous) disparaître entièrement derrière elles, ce qui nous impressionne !

Nous contournons la pointe des Almadies, longeons la « corniche » en passant devant le fameux phare des Mamelles, nous faufilons entre la côte et l’île de la Madeleine, puis doublons le Plateau pour contourner par l’est l’île de Gorée et rejoindre, en slalomant entre les gros cargos au mouillage, les pirogues et les casiers, la baie de Hahn. C’est là, dans ce mouillage abrité mais très pollué où se retrouvent tous les voyageurs en voilier de passage au Sénégal, que nous jetons l’ancre sous une chaleur écrasante après 7 jours de navigation.

• Jeter l’ancre à Dakar : le mythique CVD

À Dakar, comme partout ailleurs au Sénégal, point de marina et de port comme on en trouve pléthore en Europe ou aux Canaries : le navigateur de passage ne s’amarrera plus à un ponton avant un moment ! Il y a tout de même des installations et services dédiés au navigateur dans ce havre de paix qu’est le Centre de Voile de Dakar. Un service de rade assuré tous les jours pour éviter d’utiliser son annexe, toute une équipe prête à se mettre en 4 pour nous aider à faire nos courses, nos lessives, faire les pleins, faire les réparations nécessaires ou trouver le matériel dont on a besoin, des sanitaires basiques pour l’indispensable douche de fin de journée, un bar très agréable pour siroter un jus de bissap ou une Gazelle (la bière locale, servie en bouteilles de 66 cL quand même !!) bien fraîche et une bonne connexion wifi.

Nous y rencontrons les acteurs qui font l’âme du CVD, que nos amis de Voiles sans frontières arrivés plus tôt ont déjà évoqué pour nous à de nombreuses reprises : Saïdio est le premier à nous accueillir, à bord de la barque qui fait le service de rade, très chaleureux et classe dans son costume de lin clair et son chapeau de paille ; Mama Bijoux (Safi) passe la journée sur son étal de vêtements et de bijoux et peut faire confectionner (par son frère : ici, la couture est une affaire d’hommes) tous les vêtements, pavillons ou moustiquaires sur mesure dont nous aurions besoin ; Mama Légumes vend en direct ou peut prendre les commandes pour tous les fruits et légumes qu’elle ira le lendemain chercher au marché pour nous (mais aussi pour des petits plats sénégalais qu’elle mitonne le soir) ; Mamie Nougat vend un nougat aux arachides qui constitue une friandise de choix très addictive (mais qui fait pâlir Didier, marié à une dentiste, quand nous en ramenons 1 kg à bord de SYLA ! d’ailleurs, il ne reste plus beaucoup de dents à Mamie Nougat, allez savoir pourquoi). Près de l’atelier de mécanique, on trouve même l’atelier de voilerie de Diego, maître voilier reconnu au-delà des frontières : Alain et Marie-Christine lui feront confectionner une superbe housse sur mesure pour leur annexe et nous nous promettons de faire de même quand nous reviendrons avec Kannjawou.

Nous retrouvons aussi avec surprise le logo de nos amis du chantier naval du Grand Val, au Minihic-sur-Rance, sur le Tshirt d’Abdul, toujours prêt à aider les navigateurs pour des tâches variées qui font partie du quotidien des voyageurs en bateau (plein d’eau, plein d’essence, transport de marchandises diverses…).

Tout ce petit monde, qui vit comme beaucoup de Sénégalais des revenus inégaux recueillis au jour le jour, a énormément souffert de la fermeture des frontières aux navigateurs durant 2 ans. Même s’ils reprennent un peu leur souffle avec le retour des premiers bateaux, la hausse des prix liée à la crise met toute la population en difficulté : les prix des denrées essentielles (ou des services, comme les transports) ont énormément augmenté, quand les revenus ont plongé…

La baie de Hahn, où nous avons jeté l’ancre, nous envoie rapidement des images contradictoires qui nous font réfléchir. Les plages de sable blanc où se reposent les pirogues colorées des pêcheurs, la végétation tropicale riche, et sa situation protégée qui en fait une belle baie abritée, pourraient en faire un endroit paradisiaque… ce qu’elle fut autrefois, d’après les récits des Dakarois qui y ont passé leur enfance. Malheureusement, l’absence d’une vraie gestion des déchets et la tolérance envers les nombreuses industries qui rejettent tous leurs déchets et eaux contaminées dans la baie, l’ont transformée en une station d’épuration à ciel ouvert. L’odeur est terrible, la plage est recouverte de détritus qui arrivent directement par un grand tout à l’égout, et on essaye de ne pas trop essayer de distinguer tout ce qui flotte entre 2 eaux quand on rejoint le ponton en annexe… Autant vous dire que, sur ce mouillage, on ne se baigne pas du bateau ! Et, pour ceux qui en sont équipés, on n’y fait pas non plus tourner le dessalinisateur…

Des travaux d’assainissement de l’eau sont en cours depuis déjà plusieurs années, mais tous les gens qui nous en parlent sont assez dubitatifs sur leur capacité à rendre cette baie vivable de nouveau. C’est pourtant directement sur la plage, à l’abri de leur pirogue qui constitue leur seule possession, que vivent et dorment de nombreux pêcheurs. Comme Sam qui, malgré ce grand dénuement, nous invite à prendre le thé avec lui dès que nous posons le pied à terre : nous allons bientôt vous parler un peu plus de la fameuse Térenga sénégalaise…

Au CVD, nous croisons aussi (presque) tous les équipages amis de l’association Voiles sans frontières, avec qui nous passons du temps à discuter à bâtons rompus de questions pratiques, de nos missions, du Saloum, de navigation, de souvenirs et de projection pour la suite de nos itinéraires respectifs. Avant de quitter Dakar, nous passerons une dernière soirée mémorable à 6 équipages VSF, certains revenant de 2 semaines au Saloum, d’autres en partance vers là-bas… L’occasion de partager (avec les mains) un immense plat de poulet braisé-spaghettis mitonné au CVD : un régal, et de beaux moments de fous rires face aux maladresses de nous autres Occidentaux pour décortiquer du poulet et manger des spaghettis sans fourchette ni couteau !

• Premiers pas sur la terre de la Térenga, dans la vibrante Dakar

Nos premiers pas à Dakar, une fois passé le seuil du CVD, sont un peu étourdissants. Sous une chaleur assommante (une fois n’est pas coutume, nous avons très peu de vent pour notre séjour à Dakar), nous arpentons les rues de sable ocre de ce quartier populaire de la proche banlieue de Dakar, en quête de cartes SIM locales et de datas. Au milieu des charrettes à cheval, des minibus pleins à craquer (souvent une vingtaine de personnes pour 9 places à bord), du bétail, des taxis et scooters brinquebalants, dans une forte odeur d’essence bon marché qui prend à la gorge et deviendra vite un fil rouge de notre séjour sénégalais, nous avançons dans un nuage de poussière et nous laissons envahir par cette ambiance dakaroise : après en avoir tant rêvé, nous voilà en Afrique… Et même si nous nous y attendions, c’est un vrai choc culturel !

Ce premier soir, alors que nous partons nous promener près du CVD avec Didier, nous nous engouffrons dans une petite rue, qui se trouve en fait être une impasse… Mais l’impasse est remplie d’une foule de gens très élégamment vêtus, de musiciens et d’une ambiance festive. Nous réalisons que nous avons mis le pied dans une fête privée et allons rebrousser chemin, nous sentant intrus, mais un des convives nous dit : « C’est un mariage, venez ! ». Nous sommes alors entraînés dans la foule, puis dans une maison où l’on nous présente au père de la mariée, puis à la mariée elle-même avec qui nous prenons une photo, avant de passer la soirée avec les invités, comme si nous étions de la famille : expérience si étrange pour nous autres occidentaux, mais toute naturelle au Sénégal, où chaque réjouissance se partage et où la Térenga, l’hospitalité, est une loi suprême.

Nous réalisons rapidement, dès notre séjour à Dakar, l’écart de valeurs entre nos sociétés respectives. Quand l’individu est valorisé avant tout en Occident, avec l’importance de sa liberté, de ses singularités et de son bien-être, parfois au détriment de la collectivité, c’est le collectif qui prime ici : l’entraide au sens large est plébiscitée, la solidarité familiale très forte passe avant toute revendication individuelle (on entend ici la famille au sens très élargi), et c’est en œuvrant pour le collectif que l’individu doit s’épanouir. Chaque système de valeurs a bien sûr ses côtés négatifs et nous ne nous risquons pas à trancher, mais confronter notre vision de Françaises à cette conception des choses bien différente nous fait beaucoup réfléchir !

Nous passerons une semaine complète à Dakar, dédiée avant tout à régler un certain nombre d’impératifs, notamment administratifs… Nous mettrons presque toute la semaine à clore avec succès la mission cartes SIM + data, après plusieurs visites dans une grande boutique Orange du centre historique de Dakar. Les formalités d’entrée sur le territoire (et la demande de passavant pour naviguer au Saloum) seront aussi un peu laborieuses, mais se finiront bien avec un peu d’insistance auprès d’un commissaire un peu trop scrupuleux.

Tout cela dans l’ambiance bouillante et grouillante de Dakar, qui a de quoi vous épuiser rapidement : en comparaisons, nos 7 ans de vie parisienne nous semblent finalement presque paisibles… Embouteillages monstres, pollution, odeurs très fortes de gaz d’échappement, d’industries, de déchets, bruits de klaxons, poussière omniprésente, moustiques voraces et chaleur lourde sont autant de facteurs qui rendent la moindre balade compliquée.

À Dakar, nous nous déplaçons uniquement en taxi, et quels taxis ! Nous savons maintenant où s’en vont toutes les « vieilles » voitures européennes délaissées par leurs utilisateurs : vieux tacots increvables réparés inlassablement, parfois dans des états assez incroyables, mais qui roulent toujours contre vents et marées, par on ne sait quel miracle. De quoi faire méditer sur notre manie européenne de jeter au lieu de réparer… merci l’obsolescence programmée ! Ces taxis sillonnent Dakar, serpentant entre les motos bringuebalantes et les charrettes à cheval qui galopent jusque sur la 4 voies.

Nous faisons aussi un peu de tourisme, et découvrons le quartier historique colonial de Dakar : le Plateau, et ses immenses marchés colorés et pour le moins animés. La corniche des Almadies, avec ses agréables petits restaurants les pieds dans l’eau, rafraîchis par une légère brise venue de la mer, face à des petites plages de galets qui sont aussi des spots de surf, nous séduit beaucoup : un endroit idéal pour se reposer de la folie dakaroise, dans une ambiance très « expat’ » un peu surannée.

Nous prenons le ferry avec Alain et Marie-Christine de YalonYaler pour aller passer une journée sur l’incontournable île de Gorée. Important lieu de mémoire de l’esclavage, elle a tenu un rôle finalement assez restreint dans la traite négrière comparé à d’autres lieux d’Afrique de l’Ouest, mais elle montre des traces qui permettent de mettre en avant et de conserver cette mémoire.

Lieu le plus emblématique, nous visitons la maison des esclaves : présentée comme le dernier lieu de détention et commerce d’esclaves de Gorée, on y voit les cellules insalubres où auraient été détenus les femmes, enfants et hommes, selon une sélection très stricte de la « marchandise », ainsi que la « porte du voyage sans retour », par laquelle les esclaves quittaient Gorée pour gagner le bord des grands bateaux qui les amèneraient de l’autre côté de l’Atlantique dans des conditions terribles. Des historiens remettent en cause le rôle réel de cette maison, qui aurait plutôt été un entrepôt de stockage de marchandises, mais il s’agit, encore une fois, d’un symbole important et d’une façon poignante de faire perdurer la mémoire de la traite négrière.

Gorée est remarquable par le charme de ses rues colorées et fleuries de bougainvilliers et par le calme de ses rives, qui tranche avec la capitale pourtant toute proche. Il s’agit d’un lieu de villégiature assez prisé et beaucoup de Dakarois fortunés y ont une maison secondaire pour venir s’y ressourcer.

Nous déjeunons d’un poisson grillé savoureux chez “Mame Penda”, qui accueille chez elle les visiteurs pour leur servir des plats mitonnés à la demande, directement dans la cour de sa maison… Mémorable !

Enfin, last but not least, nous profitons de notre séjour à Dakar pour découvrir avec avidité les spécialités culinaires sénégalaises : nous goûtons notre premier thiéboudienne (« riz au poisson » accompagné de nombreux légumes et d’une sauce pimentée), le plat national ici présentée de façon très travaillée, dans un resto un peu chic de la gare maritime pour l’anniversaire de Didier. C’est LE plat incontournable du Sénégal, consommé par toutes les classes sociales et souvent à tous les repas : autant vous dire que du thiéboudienne, nous n’avons pas fini d’en manger ! Mama Légumes nous mitonnera d’ailleurs un thiéboudienne à emporter pour notre navigation vers le Saloum…

Dans un chouette restaurant cap-verdien du centre de Dakar, nous goûterons au yassa poulet, un autre grand classique savoureux et épicé, constitué d’une quantité assez incroyable d’oignons confits au curry, de poulet rôti au Maggi (la « magie », secret incontournable de la cuisine des mamas sénégalaises : aucun plat ne se conçoit sans son bouillon cube) et de riz.

Niveau boisson, nous nous convertissons donc très rapidement au sirupeux jus de bissap, et apprécions aussi beaucoup la légère bière Gazelle et le jus de baobab (ou de bouye), connu pour ses bienfaits pour la santé (on nous le présentera toujours comme « l’Imodium local »).

• Préparation de la mission au Saloum

Nous profitons enfin de notre escale dakaroise pour finir de préparer notre mission Ideas Cube. Notre interlocutrice principale chez Bibliothèques sans frontières, Prisca Berroche, responsable des projets Afrique, se trouve à Dakar depuis quelques mois pour monter un ensemble de projets sur le territoire sénégalais. Nous avons donc le luxe de pouvoir la rencontrer directement sur place, pour faire le point sur la mission et faire une dernière mise à jour sur les contenus de l’Ideas Cube. La mise à jour ne marchera pas complètement, et nous espérons pouvoir tout de même la déclencher depuis le Saloum avec l’aide des équipes techniques de BSF au siège…

Nous prenons contacts avec les différents acteurs du projet qui nous attendent au Saloum et les prévenons de notre date d’arrivée prévue. L’équipage de Motu livre le kit IdeasCube au CEM (collège-lycée) de Djirnda quelques jours avant notre départ de Dakar : il n’attend plus que nous, il est temps de mettre en œuvre ce projet dans lequel nous avons mis tant d’énergie depuis 3 ans…

Nous ne sommes pas fâchées de quitter la fièvre et la pollution dakaroise, qui a constitué pour nous une incroyable entrée dans la vie africaine mais que nous aimons à petites doses… Nous avons hâte de découvrir maintenant la nature sauvage et le calme du delta du Saloum.


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