Variations andines à Lanzarote

Publié par Manon le

Variations andines à Lanzarote

Dakar. Son parfum de diesel à bas coût, ses boubous qui chaloupent, ses taxis déglingués qui avancent cahin-caha. Les Canaries nous semblent à des années lumières. Pourtant, il y a dix jours à peine, nous vivions avec émerveillement notre dernière soirée canarienne, à Lanzarote. Alors que nous rejoignons l’équipage de Yalonyaler avec qui nous sommes censées naviguer vers Dakar, nous croisons, sur le ponton de Puerto Calero, un chevelu personnage au sourire lumineux qui nous accueille d’un « Ah salut les filles, on vous attend ! » des plus étonnants. La surprise est belle ! Grâce à l’équipage vendéen Alain et Marie-Christine, nous sommes conviées à un concert de musique bolivienne improvisé, non loin du port. À six, nous nous entassons dans le Berlingo cabossé de Ramiro. Nous prenons la direction d’une piste inconnue filant dans la pampa lunaire de Lanzarote. Pendant le trajet, j’observe Ramiro dans le rétroviseur. Il a le visage d’un dieu des Andes : les pommettes hautes et saillantes, de longs cheveux bruns qui gravitent en course folle autour de son visage. Ses yeux étincellent dès qu’il est question de musique. 

Ramiro est bolivien, musicien professionnel. Il nous apprend que, dans son pays, les enfants apprennent à marcher, parler, compter et lire en même temps que leurs doigts apprivoisent l’instrument qu’ils ont choisi en faisant leur entrée à l’école et qui les accompagnera pendant toute leur scolarité puis dans leur vie d’adultes. Ramiro, lui, n’a pas choisi d’instrument. Celui de sa mère, celui de son père et ceux de ses frères et ses sœurs, il les a tous choyés un à un : guitare andine, charango, tambourin, ica et flûtes de pans de toute taille. Aujourd’hui, avec son frère, il parcourt le monde pour faire vibrer les hauts plateaux de son enfance dans des cœurs étrangers. Quand il joue, Ramiro est un condor qui plane loin au-dessus de nos têtes. C’est toute la Bolivie qu’il convie à la fête sur cette petite île perdue dans l’Atlantique. Nous découvrons, émerveillés, les crêtes escarpées, les plaines étouffantes et la moiteur de la forêt. Grâce aux paroles et aux notes de Ramiro, le pays natal se dresse devant nous, dans toute sa majesté.

Si Ramiro arpente les pontons, c’est qu’il est apprenti marin. Son beau-père, très âgé, lui a fait don d’un cotre qu’il compte bien retaper avant de partir pour le tour des Amériques en empruntant le passage du Nord-Ouest. Le programme est ambitieux, surtout pour lui qui n’a jamais largué les amarres. Mais rien n’est impossible à celui qui sait charmer de sa musique les dieux capricieux.

Ramiro est de ceux qui traversent nos vies comme des météores incandescents. Rencontres fugaces, éternelles dans nos souvenirs.

Bon vent Ramiro, puissent nos sillages se rejoindre un jour !


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