Et pourtant, et pourtant… En voilier, nous le savons, et nous nous le répétons à chaque navigation, il faut toujours se méfier des passages étroits, des caps et des pointes. D’ordinaire, nous sommes prudentes, et réduisons souvent la toile par précaution avant des passages stratégiques. Mais aujourd’hui, il fait si beau, et le vent, qui a mis tant de temps à se lever, est encore si léger, que nous ne songeons même pas à surveiller ce cap le plus occidental du continent européen.
Et pourtant, et pourtant… Alors que nous approchons du cap – que nous devons enrouler pour aller passer Cascais et nous diriger vers l’estuaire du Tage – le vent forcit petit à petit. Au début, gentiment : quelques nœuds de vent supplémentaires qui nous permettent simplement d’augmenter notre vitesse, et qui auraient dû nous alerter. Quand nous commençons à comprendre que l’effet de cap ne va pas plaisanter, il est déjà tard : presque 20 nœuds de vent dans le dos et un spi tendu comme un string qui nous pousse à toute vitesse (il fait tout de même 80 m2 !). Marion reprend la barre des mains du pilote, et nous observons la situation : il nous semble que, après le cap, le relief plus doux pourrait signifier une baisse rapide du vent une fois le cap passé, alors nous choisissons d’attendre d’avoir passé le cap et d’affaler le spi dès que le vent aura un peu baissé. Parce qu’affaler un spi dans 20 nœuds de vent, c’est déjà un peu sportif.
C’est notre 2e erreur : le vent continue de monter rapidement, et nous commençons à avoir des sueurs froides quand la houle légèrement de côté menace de nous faire partir au tas dans les rafales. C’est décidé, tant pis, on affale, même s’il y a maintenant 25 nœuds… A peine cette décision prise, une rafale plus forte nous amène à choquer en grand l’écoute de spi… qui s’échappe complètement des poulies sous la force du vent ! Voilà le spi et son écoute qui claquent violemment en haut du mât, au bout du tangon, dans près de 30 nœuds de vent… Aïe aïe aïe…
La capitaine met vite en place un plan d’action : Manon prend la barre et place le bateau dans le lit du vent, Marion va dégréer le tangon, puis récupère progressivement le spi par son bras (l’écoute qui était fixée au tangon) tandis que Manon lâche la drisse petit à petit : un exercice périlleux et stressant quand il y a tant de vent. Heureusement, le spi est vite ramené à bord, sans même toucher l’eau, et nous pouvons reprendre notre route avec un simple petit mouchoir de génois qui à lui tout seul nous fait avancer à 8-9 nœuds. Avant de sortir le génois, nous avancions d’ailleurs déjà à 5 nœuds dos au vent, sans aucune voile !
Nous rangeons plus tranquillement le spi et ses écoutes, en inspectant les dégâts éventuels… Le spi est déchiré sur un côté, près de la tête, le long de la couture : une réparation qui nous semble délicate, car il sera difficile de la faire nous même avec de la toile à spi autocollante… il faudra faire appel à un voilier. Aucune autre perte à déplorer : les écoutes toutes neuves en dyneema ont bien tenu le coup !
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