Lumières cap-verdiennes entre Sal et São Nicolau

Publié par Manon le

Lumières cap-verdiennes
entre Sal et São Nicolau

Du 15 novembre au 6 décembre 2022 – 110 milles parcourus
À bord : Marion et Manon

• Île de Sal : Premiers pas en Petit Pays

Après près de 7 jours de traversée, c’est l’odeur âcre et entêtante de la terre volcanique de Sal qui nous signale la présence de l’île, toute proche dans l’obscurité de la nuit. Il est 3h du matin quand nous approchons du mouillage de Palmeira, évoqué comme une escale parfaite dans les cercles des navigateurs au long cours. Et effectivement, en cette période de début de transhumance transatlantique, la baie semble complètement saturée. La nuée de centaines de feux de mâts, que nous voyons grossir et s’étaler sans comprendre vraiment l’organisation du mouillage, est impressionnante. Nous nous regardons avec des yeux un peu anxieux : nous sommes très fatiguées et ne rêvons que de nous coucher pour une (fin de) nuit ininterrompue, mais trouver notre place sur ce mouillage inconnu et bondé, en pleine nuit, ne sera pas une mince affaire…

Après avoir tenté une incursion un peu plus vers l’avant du mouillage, à l’aveuglette, guidées par le mince faisceau du projecteur à main, nous nous résignons à faire demi-tour vers l’entrée, beaucoup moins abritée mais un peu moins bondée. Il nous faudra tout de même 3 tentatives (jeter l’ancre et la remonter 2 fois, puis enfin la jeter pour de bon) avant de trouver une place satisfaisante. C’est un peu agité, mais l’ancre a bien croché et nous sommes à bonne distance de tous nos voisins : nous verrons demain matin si nous pouvons nous déplacer pour trouver mieux, plus à l’abri derrière la digue du port de Palmeira. Pour l’instant, c’est l’heure du DODO (!!) et après 1 semaine de mer, c’est un vrai délice…

- Goûter au vrai Cap-Vert à Palmeira

À notre réveil, nous découvrons sous le soleil déjà bien chaud de fin de matinée le paysage qui nous entoure. Quelques collines ocres, du sable, une usine de raffinage de pétrole, le village qu’on devine au fond de la baie, un joyeux mélange de voiliers de voyage, de barques de pêche et d’épaves à l’abandon depuis bien longtemps, et là, un peu trop près de l’endroit où nous avons jeté l’ancre, de belles vagues qui déferlent sur une grande plage : voilà qu’on a mouillé sur le spot de surf, dites-donc ! La hauteur de houle étant encore largement raisonnable, nous ne nous faisons pas trop de souci pour le moment, mais nous promettons de changer de place dans la journée ou le lendemain pour plus de sécurité et de tranquillité à bord (ça remue pas mal pour l’instant, et on comprend pourquoi !).

Dès que nous posons pied à terre, pressées de retrouver le sol sous nos pieds après une semaine sur l’eau, nous comprenons tout de suite que nous ne pouvions pas rêver mieux que Palmeira comme première escale cap-verdienne. Une grande baie bien abritée par une digue, des dizaines et des dizaines d’équipages de voyageurs à la voile rendus particulièrement amicaux par la douce chaleur de la vie cap-verdienne, un petit village paisible et peu touristique mais plein de vie, des couleurs et des fresques murales à tous les coins de rue, des retours de pêche impressionnants, des habitants accueillants, des petits restaurants aux fumets alléchants, des vendeuses de délicieux « pastels de peixe » et même (luxe ultime sur ces terres arides) des douches publiques accessibles à tous moyennant une petite pièce. Nous faisons aussi la connaissance des amours de chiens des rues cap-verdiens, sereins et pacifiques, qui vivent librement des caresses et des restes de nourriture généreusement distribués par les locaux. 

Les formalités d’entrée au Cap-Vert dans le petit poste de police sont rapides, détendues et même gratuites, contrairement à ce que nous pensions. Quelques jours plus tard, alors que nous croisons dans la rue le policier ayant traité notre arrivée, il nous conviera carrément dans la boutique de sa famille pour nous faire déguster de nombreux grogs arrangés de leur fabrication, nous parler de son petit pays, nous raconter son enfance sur l’île de Santiago et son arrivée à Sal : un sacré accueil des autorités cap-verdiennes !

Nous nous faisons un festin de nos premiers garoupas grillés, ces petits mérous à la chair très fine et savoureuse qui grouillent dans les eaux cap-verdiennes, accompagnés des traditionnelles frites post-traversée, mais aussi du gros plat de riz règlementaire qui, comme le pain en France, accompagne traditionnellement chaque repas. Les 2 jours suivant notre arrivée, nous nous activons pour remplir les habituelles obligations de la vie de bateau : pleins d’eau et de gazole avec l’incroyable Jaïr (qui gère les bouées, apporte son aide aux plaisanciers sur le mouillage et a imaginé plusieurs systèmes D pour faciliter ces tâches), lessives, changement de place pour prendre une bouée plus en avant du mouillage en prévision du renforcement des alizés prévu dans les jours à venir, ménage, petites courses de frais et d’eau potable, retrait d’argent en escudos, dépôt des poubelles dans la décharge du village.

Nous nous reposons beaucoup car nous accusons le coup de la traversée pendant plusieurs jours, prenant le temps de nous promener dans les rues colorées de Palmeira, de passer des coups de fil à la famille ou de travailler sur le blog et les vidéos au bar-wifi le plus proche du port, de lire, siester et célébrer le coucher de soleil avec des apéro dignes de ce nom.

Nous retrouvons à Palmeira l’équipage de Mojito, rencontré à La Palma en juillet, et faisons la connaissance de nombreux autres voyageurs. Parmi eux, Véronique et Jean-Pierre qui nous convient un soir à aller boire un verre, alors que nous sortons de la douche avec sur nous nos seules affaires de toilette (un bon plan pour se faire payer la tournée, à bon entendeur !!). Ces jeunes retraités naviguent depuis 2 ans sur leur catamaran Itas, acheté au Portugal, après avoir déjà beaucoup exploré les océans alors qu’ils travaillaient encore. Le courant passe vraiment bien entre nous, vous savez, ce genre de rencontres de bateau où on comprend tout de suite qu’elle ne sera pas éphémère…

Et enfin, comment évoquer la vie à Palmeira sans parler de la fameuse fiesta du dimanche soir ?! Dès notre arrivée en début de semaine, tout le monde nous vante ces soirées grillades dominicales qui attirent des habitants venus de toute l’île, durant lesquelles chacun se retrouve dans les rues pour boire des caïpirinhas ou des Strela (la bière du Cap-Vert), manger la traditionnelle soupe de thon frais et pâtes, engouffrer de grandes quantités de brochettes, saucisses et cuisses de poulet grillées sur d’immenses barbecue, discuter et danser dans un joyeux charivari… un bon aperçu de la bonne humeur et du sens de la fête à la cap-verdienne !

- Arpenter l’île de sel

Entre 2 jours de récup’ post-traversée, nous quittons Palmeira en sautant dans des « aluguers », les taxis collectifs locaux, tous des minibus Toyota Hiace à 15 ou 16 places. Pour quelques escudos, nous rejoignons d’abord Espargos, la capitale de l’île, où les nombreux touristes qui visitent Sal s’attardent très rarement une fois descendus de l’avion. Nous y passerons une soirée dans un bar local, trinquant à la caïpi’ au grog cap-verdien qui tape fort pour la naissance de Nino, le neveu de Manon, qui a pointé son nez à Nantes le 19 novembre !

Nous visitons la principale attraction touristique de Sal, les salines de Pedra de Lume, formées dans un ancien cratère de volcan gorgé de sel. Principale ressource de cette île aride et plate, l’exploitation du sel commence à la fin du XVIIIe siècle, orchestrée par de riches Portugais qui y font travailler esclaves d’Afrique de l’Ouest et familles venues de l’île de Boa Vista au sud. Elle se termine quand le Brésil interdit l’importation de sel de l’étranger, puis avec la fin de l’esclavage. Aujourd’hui uniquement voué au tourisme, le site en lui-même est vraiment magnifique, avec de superbes contrastes de couleur dans le paysage et la promesse de bains chauds soufrés dans les bassins super salés. On se baigne, on flotte allègrement beaucoup plus qu’on voudrait, et on s’enduit de boues aux multiples bienfaits pour la peau et la santé en songeant aux forçats qui ont autrefois récolté du sel sur ces terres hostiles.

Enfin, nous rejoignons tout au sud la grande ville où se concentrent tous les établissements hôteliers de Sal, et en font l’île la plus touristique du Cap-Vert : Santa Maria. Hormis donc des infrastructures touristiques et les attrape-nigauds qui vont avec, on y trouve des sublimes plages de sable blanc aux eaux turquoise qui n’ont rien à envier aux rivages antillais et sont très prisées des surfeurs, wind-surfeurs et kiteurs, quelques jolies maisons fleuries et fresques murales, et de nombreuses barques de pêcheurs qui font un spectacle impressionnant de leurs prises sur le ponton de la ville. A Santa Maria, nous faisons un pèlerinage au célèbre spot de glisse de Ponta Preta, malheureusement particulièrement calme et non houleux lors de notre passage…

- Surfer le Monte-Leão

Heureusement, nous saurons nous rattraper de cet échec surfique… Nous quittons Palmeira après une petite semaine au village pour rejoindre, quelques milles au sud, la grande et belle baie ouverte de Murdeira. Peu abritée du vent, elle est vraiment clapoteuse et agitée pour y mouiller en voilier mais le cadre est superbe, au pied de la montagne ocre du Monte Leão qui se pare au coucher de soleil d’incroyables couleurs. 

Mais si nous sommes ici, c’est surtout pour profiter d’une eau plus propre que dans la baie très fermée et fréquentée de Palmeira pour pouvoir se baigner, et pour y chercher les vagues dont les amis Sauve qui Peut nous avaient vanté les mérites l’année précédente. Et effectivement, ça surfe bien au Monte Leão ! Nous regardons les pros du coin faire le spectacle sur le reef break de la pointe, au pied de la montagne, et Marion s’en va surfer en annexe directement sur le spot de la plage : le luxe !

Kannjawou remue pas mal mais nous profitons pendant 4 jours de ce mouillage isolé, où nous avons parfois un voisin lointain, jamais plus.

Et puis un soir, peu avant le coucher de soleil, nous quittons notre baie presque privée et disons aurevoir aux rivages arides de Sal. Devant nous, une nuit de navigation bien agitée, houle de travers et vent grand largue, jusqu’à la prochaine île à l’ouest : São Nicolau.

• « Dessa minha terra, São Nicolau »

Bien musclées et mouillées au début, les conditions se calment un peu et nous profitons d’une deuxième partie de nuit plus agréable, toujours bord à bord à une dizaine de milles du vieux gréement Mauritius. Une fois les terres montagneuses de Saõ Nicolau en vue, alors que nous changeons de cap pour nous approcher de la baie de Tarrafal, les choses se corsent… Le vent forcit pour nous octroyer de décoiffantes rafales catabatiques de plus en plus fortes, en plein dans le nez, ainsi que la houle qui va avec. Nous sommes fatiguées par la nuit agitée et le pauvre Kannjawou peine à avancer… L’arrivée nous semble interminable, et nous appréhendons de mouiller dans ces rafales à plus de 30 nœuds qui nous suivent jusqu’à l’entrée de la baie. D’autant que nous savons que nos amis de Pluie de Nuit ont essuyé une semaine plus tôt des rafales à plus de 40 nœuds dans cette baie !

Heureusement, passé une certaine zone qui nous fait sortir du cône d’accélération du vent, nous sommes plus abritées et pouvons mouiller devant le village, à environ 4 m de fond, à distance raisonnable de tous nos voisins. Nous sommes satisfaites de cet emplacement, l’ancre semble bien tenir, nous prenons 1h pour remettre un peu d’ordre dans le bateau et sautons dans l’annexe pour aller déjeuner en ville et fêter notre arrivée.

En rentrant, nous ne résistons pas à piquer une tête dans l’eau claire. Malgré les nombreux poissons multicolores que nous croisons dès notre masque chaussé, nous remontons rapidement à la surface : le fond est parsemé de gros cailloux autour desquels la chaîne de l’ancre a commencé à s’enrouler à plusieurs endroits, provoquant des à-coups peu rassurants dans la chaîne. Nous n’avons finalement pas si bien choisi notre spot de mouillage, pas le choix, il faut bouger. Nous tournons pendant un moment, pour nous installer à la fois hors du triangle d’accélération des vents catabatiques que l’on distingue bien plus proche du port, mais aussi à bonne distance des autres bateaux et sur un fond sableux pas trop profond. Cela s’avère être un défi ! Nous jetons finalement l’ancre assez loin du port, dans 11 m de fond, mais sur du sable qui croche immédiatement et à distance raisonnable de nos voisins. Dans ces circonstances, nous sommes contentes d’avoir un bon guindeau et un mouillage surdimensionné, qui nous permettent de larguer 50 m de chaîne, bien nécessaires dans cette profondeur et avec les rafales catabatiques survenant ici sans prévenir.

- Joies du mouillage à Tarrafal

Mais nos craintes ne se vérifieront pas : à part la première nuit, un peu ventée, où nous surveillerons de près le trimaran juste derrière-nous, nous bénéficions pendant toute la grosse semaine que nous passons à São Nicolau d’un temps particulièrement (et exceptionnellement) tranquille pour la saison. Il est parfois difficile, à travers cet humble blog, de vous transmettre l’intensité de ce que nous ressentons durant ce voyage. Et difficile, par nos mots et nos images, de retranscrire les moments de bonheur simple et entier que nous avons vécus au mouillage de Tarrafal, à la faveur de cette météo clémente. De ces moments qui peuvent suffire pour une vie entière…

Le snorkelling (plongée avec masque, tuba et palmes) est particulièrement incroyable, et nous passons de longs moments dans l’eau chaque jour, nous rendant à la nage jusqu’aux récifs rocheux proches du bord, qui regorgent de centaines de poissons peu farouches. Sars, carangues, perroquets, demoiselles, girelles, poissons trompettes, balistes, poissons anges, rascasses, grondeurs, poissons papillons… C’est la première fois de notre voyage que nous pouvons, en quelques brasses depuis le bateau, admirer tant de vie sous-marine, et cela n’en finit pas de nous émerveiller. Et puis, sans cesse, dans l’eau ou depuis le pont, nous guettons mesdames les « tartarugas », tortues vertes qui nous gratifient souvent de leur présence et nous offrent le luxe, pour la première fois, de nager en leur gracieuse compagnie.

Entre deux sessions de snorkelling, nous partageons notre temps au mouillage entre balade en paddle, achat et cuisine de poissons juste sortis de l’eau par les pêcheurs du coin (mamamia les incroyables ceviche de carangue, les bonnes brandades de sériole !), lecture, dessin, dégustations de punch maracuja au village, et bien sûr quelques obligations de la vie de bateau : réparation d’une fuite de l’annexe (mais sans la colle adaptée… il faudra recommencer à Mindelo), demi-plein d’eau, petites courses.

L’approvisionnement au Cap-Vert est globalement cher, et vraiment limité. Cela ne nous étonne pas, sur cet archipel tout sec, très isolé et avec des conditions de transport et de stockage incertaines. On trouve peu de variétés de fruits et légumes (il faut aimer les poivrons verts et les oignons !), surtout dans les petits villages comme Tarrafal, et peu de produits frais. La viande est systématiquement congelée, le fromage est une denrée rare, mais on trouve toujours du beurre !
Nous poursuivons donc dans de petits restos authentiques notre exploration de la cuisine cap-verdienne, très friande de grillades et de légumes secs (lentilles, haricots…), où chaque plat s’accompagne en plus de son riz blanc.

Décembre commençant, nous voyons apparaître dans les petites boutiques de chinoiseries (qui sont légion au Cap-Vert) une grande palette de décorations brillantes et de sapins en plastique couverts d’un blanc surréaliste dans ce paysage ocre et chaud. Mondialisation, fais-tu si bien ton office pour que dans le Petit Pays on fête Noël autour de faux arbres enneigés que jamais Cap-verdien n’a vu ni ne verra sur ses terres ? Heureusement, le Cap-Vert a aussi ses propres façons de célébrer « Natal ». Une crèche grandeur nature est installée sous un toit de feuilles tressée sur la plage de Tarrafal, et à ses côtés un immense et spectaculaire sapin illuminé, constitué de bidons de 20L en plastique jaunes superposés avec une grosse étoile au sommet.

Suivant le mouvement, nous sortons du fond des équipets le petit sapin dépliable en accordéon de papier vert qui voyage avec nous depuis que nous avons quitté la Bretagne. Nous lui trouvons une petite place, bien amarré à l’épontille, prêt pour les navigations à venir, et l’accompagnons d’une boule dorée et d’un petit Père-Noël chevauchant une cloche, comble du kitsch et de la mignonnerie, dénichés dans une boutique de Tarrafal. Les 2 guirlandes lumineuses du bord, dont notre fameuse Luci que nous adorons, sont également de sortie : niveau déco de Noël, on est au max, même si Manon rêverait d’envoyer une grande guirlande en tête de mât et de la faire descendre le long de l’étai… Puisqu’on lui interdit formellement cette fantaisie, elle entreprend de préparer un panettone, notre péché-mignon de l’hiver, pour parachever l’ambiance festive : un paquet d’écorces d’oranges confites conservé pour l’occasion, des raisins secs, des zestes d’orange, la bonne odeur de boulange, et les effluves du thé de Noël qui attendait son heure… on s’y croirait, même en maillot de bain !

- Les mille visages de São Nicolau

Malgré tous ces plaisirs du mouillage, nous ne dédaignons pas la visite de São Nicolau, l’île évoquée par Cesaria Evora dans la chanson « Sodade » qui l’a rendue célèbre dans le monde entier. Elle y chante cette fameuse mélancolie, empreinte d’amour pour son pays, d’un cap-verdien originaire de l’île, exilé dans la colonie portugaise de São Tome pour y effectuer du travail forcé dans des conditions très difficiles (cela juste avant l’indépendance du Cap-Vert vis-à-vis du colonisateur).

Nous commençons par une randonnée dans le parc naturel du Monte Gordo, qui nous amène jusqu’au sommet (venté) de l’île, à 1 312 m. Nous y découvrons l’intérieur verdoyant et agricole de São Nicolau, qui contraste avec ses côtes très arides. Ces paysages montagneux abrupts sculptés par les cultures en terrasse, dans lesquels vient jouer une incroyable lumière, sont à couper le souffle.

Nous traversons ensuite en aluguer plusieurs petits villages ruraux pour nous rendre jusqu’à la tranquille capitale de l’île, Ribeira Brava. La « ribeira » qui lui a donné son nom est encore visible dans le paysage, mais ne contient plus d’eau depuis longtemps. Il s’agit en fait de la seule capitale d’une île cap-verdienne qui ne se situe pas sur le littoral. Nous aimons son ambiance paisible, son adorable petite bibliothèque municipale et son joli marché couvert où nous trouvons enfin un bon choix de fruits et légumes et où se retrouvent les gens du coin pour le grog de 15h (1€ le verre généreusement dosé… ça réveille).

Un après-midi, nous traversons à pied une belle plaine désertique pour aller voir une des curiosités touristiques de São Nicolau, malgré tout complètement déserte lors de notre visite – ce qui laisse apprécier comme ce petit bijou d’île est préservé du tourisme. Il s’agit de « carbeirinho », une formation géologique présentée comme une des 7 merveilles du Cap-Vert : des roches sculptées et polies par le vent et les vagues dans des courbes lisses et régulières, aux différentes strates de roches superposées.

Enfin, nous improvisons une expédition dans le petit village isolé de Juncalinho, connu pour ses belles piscines naturelles, malheureusement souvent hors d’accès pour la baignade quand la marée haute et ses vagues furieuses vient les transformer en marmites infernales très agitées… mais toujours turquoise ! L’ambiance du village hors du temps et la beauté grandiose des paysages de ce petit coin sont vraiment charmantes, on ne regrette pas d’avoir fait le déplacement (un peu laborieux en aluguer).

- Escale imprévue sur île déserte : la belle Santa Luzia

Après avoir repoussé plusieurs fois notre départ pour cause de « on est vraiment trop bien ici », un dernier acte manqué nous fait attendre encore un jour de plus pour pouvoir faire faire nos papiers de sortie de l’île au poste de police. Le 6 décembre aux aurores, nous levons enfin l’ancre et regardons avec nostalgie la silhouette des montagnes de la belle Saõ Nicolau disparaître dans le doré de l’aube.

Dans le dévent entre les îles, nous mettons la ligne à l’eau et remontons à peine quelques minutes plus tard notre plus grosse prise à ce jour : une magnifique bonite très charnue, d’environ 3 kg, qui nous fera plus de 3 repas. La pêche est bonne au Cap-Vert, ce soir c’est sashimis !

Notre objectif : rejoindre Mindelo, sur l’île de São Vicente, où nous devons passer le mois à venir avant le départ en transat’. Mais ça ne sera peut-être pas pour tout de suite… En effet, en nous engouffrant dans le canal entre l’île déserte de Santa Luzia et Saõ Vicente, nous faisons face à un fort courant, en plus qu’aux vagues et au vent… Un peu inquiètes de notre vitesse supersonique de 2 nœuds, qui nous ferait arriver à bon port autour de minuit, nous réussissons à retrouver dans un vieux guide nautique les prévisions de courants de marées, qui sont formels : à cette heure-ci, nous aurons le courant de face jusqu’à la fin du trajet. Pas terrible. Nous prenons donc rapidement la décision de faire demi-tour pour rejoindre le seul et unique mouillage de Santa Luzia.

Praticable uniquement par beau temps et très exposé à la houle, il a cependant le charme certain de nous donner le privilège d’établir notre maison flottante sur une île totalement déserte, accessible uniquement en embarcations privées. Les paysages ocres et sableux que nous admirons depuis le bord nous propulsent dans les déserts d’Arizona et nous profitons pleinement de ce dernier arrêt au mouillage en toute tranquillité avant l’agitation fébrile et festive de Mindelo. 

Petite histoire drôle : Alors que nous prenions notre douche complètement nues à Santa Luzia, une embarcation avec trois pêcheurs à son bord surgit de nulle part à l’arrière du bateau. Les hommes nous montrent d’énormes langoustes. Prises complètement au dépourvu, nous laissons filer le festin car notre frigo est déjà rempli de bonite fraîche. Mais nous regretterons ce geste une fois à Mindelo ! 

Petit bonus : De la mer à l’assiette, cuisine de notre belle bonite en 3 façons !

Sashimis de bonite
Bonite marinée et panée au sésame, cuite en tataki
Soupe à la cap-verdienne : bouillon parfumé, légumes, pâtes et bonite fraîche

1 commentaire

guilbaud · 4 janvier 2024 à 22 h 10 min

Chouette reportage . C’était noël 2022 au Cap Vert … un an déjà .

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