Délices en Galice

Publié par Manon le

Délices en Galice

du 2 au 14 août – 170 milles parcourus
À bord : Marion, Manon et la matelote Aude

• La Corogne, première escale espagnole
Du 2 au 5 août 2021

Nous mettons le pied à terre en début d’après-midi, après 3 jours de mer, sur les pontons du Real Club Nautico Coruña situé en plein centre-ville, où un employé de la marina réceptionne nos amarres (tradition très suivie dans toute la Galice !) et nous adresse notre tout premier « Holà ! ».

Sitôt arrivées, nous mettons en place un plan d’attaque pour remettre bateau et équipage en état de marche : d’abord un grand rangement et ménage à bord, puis une looongue douche chaude et des vêtements de ville pour l’équipage, avant de partir en quête des tapas et des mojitos (pas très typiques pour ces derniers, mais faut ce qu’il faut !) tant attendus. Les ruelles encaissées de la vieille ville et l’animation de la Corogne nous plaisent beaucoup et ces premiers tapas, savourés sur la grande « praza de Maria Pita » ont un goût très particulier !

Le lendemain, nous sautons dans un train, direction Santiago de Compostela, THE ville à ne pas manquer en Galice paraît-il. La journée est grise, idéal pour faire du tourisme et s’imprégner de l’ambiance affairée de la ville des pèlerins, de ses ruelles pleines d’effervescence, de l’extravagance de l’autel et de l’encensoir de sa cathédrale.
Une bonne adresse ? Le café-jardin Costa Vella, un petit écrin de verdure pour faire une pause dans cette marée de vieilles pierres et de pavés !

Les jours suivants, nous scrutons sans enthousiasme les prévisions météo : nous aurions aimé faire des sauts de puce de ria en ria pour explorer la Galice et descendre jusqu’à Porto, où Aude doit prendre l’avion pour rentrer le 13 août, mais les vents et les vagues ne sont pas du tout d’accord avec nous ! Nous mettons alors ces quelques jours d’attente à profit pour faire de longues nuits réparatrices et mieux explorer La Corogne.

Footing et skate carver le long du « paseo maritimo », le plus long front de mer d’Europe, avant de goûter aux eaux de la ria sur une petite plage aux eaux turquoises ; petite visite à la Torre de Hercules (le plus vieux phare au monde en fonctionnement, qui a donné son nom à la ville) ; marché et shopping souvenirs / bonbons / cigarettes (pour Aude) en ville ; dégustation d’albarinho (un fameux vin blanc des rias de Galice), de queso y jamon, de pimientos de Padron et – notre préféré – de pulpo a feira (du poulpe, la mascotte de la Galice, poêlé avec un assaisonnement pimenté), mais aussi de glaces en tous genres… tout en vaquant aux obligations de la vie quotidienne, toujours un peu plus compliquées quand on vit sur un petit bateau (lessives, petites réparations, courses…).

• Sada, l’étape « de la loose » : les îles Cies, tentative n° 1
Le 6 août 2021

Après avoir plusieurs fois prévu puis repoussé le départ, nous décidons de tracer directement jusqu’aux îles Cies, en face de Vigo, faute de temps pour faire escale dans les nombreuses rias sur notre route. Le programme ? Un départ dans l’après-midi, après le passage d’une petite dépression d’ouest, pour 24 heures de navigation et une nuit en mer, pour reprendre tout de suite le rythme des quarts adopté pendant le Gascogne. À ce programme, s’ajoutent des conditions météo pas très folichonnes : du vent assez fort, mais quasiment dans notre nez + une houle forte levée par la dépression qui vient de passer, et également dans notre nez…

 

Qu’à cela ne tienne, il faut qu’on descende vers le sud, alors on tente de forcer le passage… En étant conscientes que ça ne va pas être très rigolo ! C’est encore une fois toutes équipées, avec salopettes, bottes, vestes de quart, que nous quittons La Corogne.

 

Dans le port, puis au ponton carburant où nous nous arrêtons pour faire le plein de gazole, le bateau nous semble très peu manœuvrant et nous manquons accrocher d’autres bateaux plusieurs fois… Inquiètes, nous nous demandons si nous n’avons pas attrapé quelque chose dans l’hélice, et passons une demi-heure dans la rade à faire des essais de marche avant et arrière, avant d’envoyer la GoPro sous la coque pour voir si tout est OK. A priori, pas de problème : nous sommes un peu rassurées, mais cette traversée commence déjà sous de mauvais augures !

 

En sortant, Kannjawou se débat dans une houle de 3 mètres de face (« Mais il y a encore plus de vagues qu’au début du Gascogne ou je rêve ? ») et fait un cap vraiment, vraiment pourri : le vent semble venir encore plus face à nous que prévu ! Après 30 minutes de tentative, où nous nous agrippons, abdominaux en action, en silence, pendant que le pauvre Kannja’ tape dans la houle et se traîne laborieusement à 3 nœuds (6 km/h), nous capitulons… « Bon, y a quoi dans la ria d’à côté ? »

Une heure plus tard, après une petite navigation de repli dans la ria de Betanzos, pendant laquelle Aude en profite pour se refamiliariser avec la barre, nous arrivons au port de Sada, petite station balnéaire bétonnée au fond de la ria. Ce port ne fait pas vraiment rêver, mais ce n’est qu’un spot de « relâche » pour une nuit alors ça ira. Marion nous mitonne des pimientos de Padron et une tortilla maison à bord : de quoi nous remonter le moral ! Et, juste après le dîner, le marineiro vient frapper au hublot et nous tend timidement 3 invitations, 3 bons pour un verre gratuit au bar de la marina !! Nous ne cachons pas notre joie et sautons dans des vêtements de ville avant de courir en profiter : voilà une belle façon d’accueillir les visiteurs !

• De Sada à Camariñas ; ça finit mal ! Les îles Cies, tentative n° 2
Le 7 août 2021

Au matin du 7 août (« Le jour le plus savant de l’année ! » « Ahahah Manon, très drôle… »), nous voilà donc reparties : traversée jusqu’aux îles Cies, 2e prise ! Hélas, comme le dit le dicton populaire, « jamais deux sans trois »…

Alors que nous avons laborieusement avancé toute la journée au moteur, face au vent et aux vagues (heureusement que nous avons pu nous en mettre plein les yeux en longeant les superbes reliefs de la côte galicienne, et leurs jeux de lumière incroyable), nous pouvons enfin attraper le vent dans nos voiles vers 18h, en bifurquant au niveau des Illas Sisargas : ouf, le moteur est éteint ! Malheureusement, le répit ne dure pas longtemps : vers 22h, alors que Marion est allée se coucher depuis peu, le vent a trop baissé et nous rallumons le moteur.

2 heures plus tard, Manon s’apprête elle aussi à aller se coucher enfin, mais un bruit inhabituel de l’échappement du moteur l’interpelle. En se penchant machinalement vers l’arrière bâbord du bateau, pour vérifier (comme nous le faisons très régulièrement) que l’échappement « crache bien » de l’eau de mer et que le moteur est donc bien refroidi, elle remarque tout de suite que quelque chose ne va pas : très peu d’eau s’échappe du passe-coque, et de la fumée apparaît…

 

Branle-bas de combat ! Marion réveillée aussitôt, nous éteignons le moteur sans attendre, et nous rendons vite compte de la cause du problème : la vis qui maintient l’alternateur en place s’est cassée net, l’alternateur a continué à tourner en étant désaxé et a ainsi frotté contre un tuyau d’alimentation de la pompe à eau de mer, jusqu’à le percer. Nous savons que nous pourrions tout à fait entreprendre la réparation nous-mêmes : nous avons en stock une vis identique à celle qui a cassé, et nous pouvons colmater le tuyau avec du scotch autovulcanisant. Avant tout ça, il faudra sortir l’extrémité de l’ancienne vis de son logement, où elle se trouve toujours, et démonter partiellement l’alternateur.

 

Le problème, c’est que nous sommes tout près des côtes, et que le vent est définitivement mort : nous n’avons pas le temps de nous atteler à cette réparation, à moins de risquer de nous échouer sur les (si beaux) rochers de la côte galicienne…

Rapidement, nous prenons donc la décision de demander assistance et lançons notre premier « pan pan » (appel d’urgence) à la VHF, de nuit et en anglais s’il vous plaît ! Par chance, le port le plus proche abrite un canot des sauveteurs en mer espagnols (Sociedad de Salvamento y Seguridad Maritima), et une équipe rapplique aussitôt pour nous remorquer. 45 minutes après notre 1er appel, les voilà sur place. Nous nous lançons, très bien guidées par les sauveteurs, dans la manœuvre de remorquage : après avoir frappé une patte d’oie reliée à un énorme bout sur les 2 taquets avant de Kannjawou, nous voilà partis pour un remorquage à 8 nœuds dans la houle… On appréhende un peu au départ, puis on se laisse porter : nous sommes entre de bonnes mains. La nuit est très étoilée, et Aude n’arrête pas de voir passer des étoiles filantes… On y voit un bon présage… 30 minutes plus tard, un peu avant 3 heures du matin, l’énorme canot « Salvamar Altaïr » nous dépose avec douceur le long d’un quai, au port de Camariñas, après une manœuvre impeccable : ouf, nous voilà tirées d’affaire !

Nous nous retrouvons toutes les trois sur le pont, à ranger le bateau dans la nuit devenue soudain très froide : la scène est surréelle… Une bonne plâtrée de nouilles chinoises plus tard pour nous remettre un peu de nos émotions, nous filons sous la couette pour un dodo bien mérité.

• Camariñas : l’escale imprévue mais salvatrice
Du 8 au 9 août

En arrivant en vue des côtes espagnoles, nous souhaitions absolument nous arrêter dans la ria de Camariñas, dont nous avions entendu beaucoup de bien. Notre mésaventure (ou le destin ?!) nous a amenées ici, alors profitons-en ! D’autant que, le lendemain de notre « sauvetage », nous sommes dimanche : nous aimerions faire venir un mécanicien à bord pour élucider la cause du bris de cette vis, mais il faudra attendre lundi.

 

Nous réglons aux sauveteurs le montant du remorquage, 760 € : les tarifs sont encadrés par l’Etat et facturés à l’heure. Comme nous étions proches du port, la note reste relativement peu élevée, et devrait être prise en charge par notre assurance. Super sympas, les « bombeiros » nous promettent de contacter pour nous un mécanicien du coin dès la 1re heure le lendemain : muchas gracias !!

En attendant, le temps est superbe et les eaux calmes de la ria, qui semble regorger de petites criques sauvages, nous appellent à grands cris… Nous gonflons nos paddles SurfPistols en vitesse, et partons explorer la ria (Marion et Manon à 2 sur un paddle, Aude en mode paddle-kayak, nous sommes parées !) et piquer une petite tête sur une plage bien abritée.

Le lendemain, le mécanicien monte à bord dès le début de la matinée, sitôt appelé par nos amis les bombeiros. Pas du tout spécialiste de petits moteurs comme le nôtre (puisqu’il œuvre sur les gros bateaux de pêcheurs de Camariñas) et ne parlant que quelques mots d’anglais, il fait preuve d’une grande réactivité et efficacité : en une demi-heure, tout est réparé et le moteur tourne à nouveau comme une horloge. Malheureusement, il ne sait pas expliquer pourquoi la vis a pu casser, ce qui nous inquiète… Il nous conseille de resserrer régulièrement la nouvelle vis, et nous rassure en nous disant que l’ancienne vis était en acier, donc plus fragile, alors que la nouvelle est en inox.

Après des petites courses en ville, où nous découvrons aussi que Camariñas est un haut-lieu d’artisanat de la dentelle, et une nouvelle excursion en paddles + kayak loué au port, nous sommes parées pour reprendre la route très tôt le lendemain : les îles Cies, cette fois, on y croit, nous voilà !!

• Les îles Cies, enfin !
Du 10 au 11 août

Le matin du 10 août, nous quittons Camariñas à l’aube sous un lever de soleil d’anthologie, qui nous montre la ria, puis la côte galicienne, nimbée de lumière et de brume, dans une sublime ambiance mystique. Dès le départ, nous sentons que cette navigation marque un tournant dans notre voyage : nous voilà avec le vent et les vagues dans le dos, qui semblent enfin nous encourager et non plus se mettre en travers de notre route ! Après quelques heures de moteur à attendre que le vent se lève, nous pouvons hisser le spi, la voile préférée de Marion qui, après 1 ou 2 tentatives, se gonfle enfin pour nous porter à bonne vitesse vers notre destination.

Le vent forcit un peu, et nous finissons notre journée de navigation sous génois seul, surfant les vagues sous un soleil généreux, dans une ambiance d’alizés qui fait du bien au moral de tout l’équipage. Voilà la plaisance comme on l’aime !

Dès le début de l’après-midi, nous distinguons au loin la silhouette escarpée des ilhas Cies, dont les reliefs se dessinent de plus en plus nettement sur l’horizon jusqu’à ce que nous passions à leur pied, les yeux écarquillés, ébahies de nous trouver enfin ici : « Allez, ça valait bien le coup de réessayer 3 fois ! ». Nous jetons l’ancre vers 20 h devant la praia de Rodas, désignée plus belle plage du monde par le magazine The Guardian en 2015 : rien que ça messieurs dames ! Nous voilà ENFIN arrivées : on trinque aux îles Cies, à notre moteur retrouvé, à nos aventures et aux explorations à venir…

Le lendemain, nous partons à l’assaut de la grande île et crapahutons gaiement sous un grand soleil (oui, encore !), montant dans l’odeur enivrante des pins et des eucalyptus jusqu’au Monte Faro, profitant de panoramas époustouflants et traversant des colonies de goélands (qui sont protégés ici, si si, on vous jure !). Nous avons bien mérité un petit PLOUF sur la plus belle plage du monde en descendant, et une petite glace sur une terrasse avec vue sur Kannjawou au mouillage, qui a été envahi par de nombreuses embarcations en tous genres depuis le matin.

• La ria de Vigo : Vigo, Moaña et Baiona
Du 12 au 14 août

Nous passerions bien une petite dizaine d’années aux îles Cies, mais le calendrier se rappelle à nous : Aude doit rejoindre Vigo, où elle pourra attraper un bus qui l’amènera à l’aéroport de Porto le lendemain.

 

Nous traînons un peu au mouillage pour une dernière baignade autour du bateau et quelques sauts gracieux depuis l’étrave, accompagnés de cris de guerre variés (« Tortilla ! »), et sommes aux premières loges pour analyser les curieuses techniques des pêcheurs galiciens, qui viennent jeter leur grapin et ramener leur filet jusqu’entre les bateaux au mouillage…

En début d’après-midi, adios les ilhas, on met le cap sur Vigo, pour une petite nav de 10 milles au portant, bien tranquille : une belle façon pour Dede de clore son périple avec nous, et de lui donner envie de revenir très vite ! Elle aura été un petit mousse en or, qui nous a épatées par son pied marin naturel, et a vite gagné ses galons de matelot en s’intégrant très vite et très naturellement à notre équipage… Elle nous aura d’ailleurs sauvé la vie plus d’une fois quand nous étions mal en point au début du golfe de Gascogne, en nous apportant tisanes et nourriture, ou en nous aidant aux manœuvres dans ces moments pas très rigolos…

Le port du centre ville étant fermé pour 3 jours, nous atterrissons finalement dans la marina Punta Lagoa, pas très sexy et surtout pas du tout centrale… Heureusement, nous dégottons un taxi pour aller célébrer comme il se doit notre dernière soirée à 3 dans le centre de Vigo. Nous y dînons dans une « mesòn » de choix, où le cuistot nous mitonne de délicieux plats galiciens et péruviens, arrosés d’un bon albarinho et de cocktails maison (et assez mystérieux !) pour le dessert. Nous ne savons comment exprimer au cuisinier le régal de notre palais : delicioso, delicioso !!

Le lendemain, Aude saute dans un nouveau taxi et nous quitte (pour cette fois) : nous voilà redevenu un « équipage réduit », et cela nous fait tout drôle ! Nous étions encore en train de nous adapter à la vie à bord quand elle nous a rejointes, et nous avions donc pris des habitudes en trio, qu’il va falloir changer un peu… Plus personne pour aider Manon à lover les amarres et ranger les pare-battages en quittant le port ! Plus personne pour aller remplir les gourdes, ni pour tester tous les goûts possibles de chocolat Milka, ni pour gagner systématiquement aux jeux de société du soir…

 

Nous quittons la marina Punta Lagoa et ses douches en préfabriqués qui nous font encore faire des cauchemars, et rejoignons la petite marina de Moaña, moins chère et nettement plus accueillante, pour une petite escale technique de 2 jours : lessives, grand ménage dehors et dedans, quelques bricolages (dont le remplacement de notre tuyau d’eau de mer percé, qui était juste rafistolé au scotch autovulcanisant) et courses au marché local, où nous faisons le plein de spécialités galiciennes avant de quitter la région (tarta de Santiago, pimientos de Padron, chorizo, jamon, queso viejo…) et trouvons de délicieuses petites soles qui finiront rissolées dans le beurre avec des patates : un régal !

Le 14 août, en fin d’après-midi, nous hissons les voiles quelques heures pour aller passer la nuit au mouillage dans la baie de Baiona, ce qui nous permet de raccourcir un peu l’étape du lendemain, qui doit nous mener en terre portugaise… De quoi admirer une dernière fois les jolis reliefs galiciens (et un beau coucher de soleil) avant de filer au pays de la morue, du surf et de la ginja !

On passe entre 2 cailloux : ça rappelle Saint-Malo !
Fajitas au mouillage : une petite habitude qui perdure à bord de Kannja'
Au mouillage à Baiona
Une mission importante du cap'taine : remplir le carnet de bord après la nav' !

Mention spéciale pour la Galice !

Nous avons été positivement surprises de la beauté incroyable de la côte galicienne. La Galice nous semble être une région vraiment sous-cotée d’un point de vue touristique, tant pour ses paysages de grandes rias entourées de montagnes verdoyantes, qui invitent aussi bien à la pratique de la randonnée et du vélo qu’au surf, au kayak ou au kitesurf (sans parler de la voile !), que pour la richesse de sa culture ou les délices de sa cuisine. Voilà une région de caractère, portée par la fierté de ses habitants (on se croirait presque en Bretagne, quand les habitants clament régulièrement « No hablo Español, hablo Gallego ! ») mais surtout par leur gentillesse. Partout où nous avons été, les Galiciens ont fait preuve d’une grande bienveillance, et d’un empressement à nous aider en toutes situations… Cela fait vraiment chaud au cœur et nous espérons avoir pu leur montrer notre reconnaissance, malgré la barrière de la langue !


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