A’Saloum aleykoum : mission IdeasCube et découvertes au gré des bolongs

Publié par Manon le

A’Saloum aleykoum : mission IdeasCube et découvertes au gré des bolongs

Du 26 novembre au 18 décembre 2021 – 65 milles parcourus
À bord de See You Later Alligator avec Didier, puis à terre

• Arrivée au Saloum et escale à Niodior

Le 26 novembre, nous quittons la baie de Hahn aux premières lueurs du jour, qui nous gratifient d’un magnifique lever de soleil sur une mer d’huile pour nous souhaiter bon vent…
La navigation d’une soixantaine de milles est tranquille, sur une mer très plate du fait de l’absence de vent des jours précédents, mais avec assez de vent pour faire prendre l’air encore un peu au beau spi rose de SYLA, qui nous portera toute la journée. Beaucoup de nos amis de la flotte de VSF choisissent habituellement de faire cette traversée de nuit pour être sûrs d’arriver de jour à l’embouchure du Saloum, mais nous sommes contents de profiter de la lumière du jour pour éviter les nombreux casiers, filets et pirogues de pêcheurs sur notre route. Nous prendrons même en stop un petit oiseau que nous imaginons rentrer chez lui, dans la mangrove du Saloum, après une petite excursion à la capitale…

Nous entrons dans le Saloum alors que la nuit commence à tomber, accompagnés par les pirogues de pêcheurs qui rentrent à bon port et viennent vendre leur poisson frais à Djiffer, petit village sur une longue langue de sable qui vient fermer l’entrée du Saloum par le nord. C’est là que nous jetons l’ancre pour la nuit, non sans planter pour la première fois la quille de SYLA dans le sable, avant de se dégager, sans dommage heureusement.

Le lendemain, Seydou, émissaire de Voiles sans frontières au Saloum, arrive à bord avec son fils d’une dizaine d’années et guide Sea You Later Alligator jusqu’à Niodior, en évitant les bancs de sable. Il nous indique l’endroit où jeter l’ancre le plus proche possible du village… qui se situe en fait au fond d’une sorte de lagon très peu profond : il faut donc s’ancrer bien loin et finir la route en annexe pour accoster.

Nos premiers pas au Saloum se font donc à Niodior, un joli village assez important (10 000 habitants) où Didier doit rendre visite au médecin-chef du centre de santé avant d’entamer sa tournée des personnels de santé tout autour du Saloum. C’est en effet la seule île du Saloum où l’on trouve un vrai médecin, ainsi que plusieurs infirmières et un infirmier-dentiste. Après les présentations et la visite officielle, ces derniers nous invitent à partager leur déjeuner : notre premier thiédoudienne du Saloum, mangé comme de coutume tous ensemble à même le plat, puis de la pastèque en dessert (un vrai bonheur par cette chaleur !). Le médecin-chef nous sert le thé chez lui, dans une belle maison toute carrelée, puis Pierre, le dentiste, nous fait faire le tour du village.


Dans les îles du Saloum, pas de routes ni de véhicules motorisés : les déplacements plus longs ou les transports de marchandises se font en charrettes, tirées par des ânes ou des petits chevaux. Nous sommes ici sur les terres des Sérères Niominka, qui sont avant tout des pêcheurs (poissons et crevettes sont pêchés par les hommes, tandis que les femmes ramassent des coquillages), mais aussi parfois – en fonction du terrain – agriculteurs et éleveurs. Leur langue natale est donc le sérère, dialecte partagé par toute l’ethnie sérère, la 3e du Sénégal (1 Sénégalais sur 6). Ils s’expriment aussi en wolof, la langue qui permet à tous les Sénégalais de communiquer entre eux, peu importe leur ethnie d’origine. Le français reste une langue secondaire ici, bien qu’elle soit la langue officielle et administrative du pays : seuls les enseignants, les élèves plus âgés et les adultes ayant fait des études le parlent bien.

Nous visitons notamment le centre de transformation alimentaire récemment créé, où un certain nombre de femmes du village travaillent pour préparer et conditionner différents produits du Saloum afin de les vendre au Sénégal et à l’étranger : poisson et crevette séchés, jus de bissap (hibiscus) ou de ditakh, couscous, miel, fruits secs, conserves de légumes…

Alourdis d’une énorme pastèque, de ditakhs et de 2 bouteilles de concentré de jus de bissap offertes par Pierre sur la route, nous rentrons sur SYLA en fin d’après-midi et ne traînons pas à goûter à notre première baignade dans le Saloum. Après notre marche sous le soleil dans la chaleur écrasante de l’après-midi, c’est une vraie délivrance ! Avec un petit jus de bissap dans le cockpit en admirant le soleil couchant d’Afrique, la vie nous semble douce…

Le lendemain, c’est parti pour Djirnda ! Nous quittons Niodior pour nous enfoncer enfin dans le bolong principal du Saloum, qui serpente entre les palétuviers dont les mille nuances de vert étincellent au soleil. Nous faisons une petite halte sur la route devant le « Hakuna Lodge », un agréable « campement » touristique, constitué d’un ensemble de cases en pleine nature, avec une jolie plage, qui attire beaucoup d’expatriés vivant à Dakar.

• Notre arrivée à Djirnda : un accueil digne de reines

L’ancre quitte doucement l’étrave de SYLA pour disparaître dans les eaux brunes du fleuve Saloum. Ça y est, nous sommes en territoire sérère ! A 20 mètres du bateau, un ponton sur pilotis semble mener tout droit à la place du village. Tout autour, c’est la mangrove et ses bolongs qui serpentent à perte de vue sous les palétuviers. Il est bientôt 15 h, l’heure de notre rendez-vous à Djirnda, village-île perdu dans le delta des fleuves Sine et Saloum, à 150 km au sud de Dakar. 5 000 âmes. Personne à l’horizon. Seul un vieillard se tient immobile à l’ombre du petit embarcadère. Il doit attendre l’arrivée d’une pirogue amie, ou simplement que l’après-midi le délivre de cette chaleur moite.

Bientôt, nous nous hissons sur les planches incertaines du ponton et remontons lentement le chemin qui mène au village. De part et d’autre, nous apercevons des chèvres et des moutons qui s’affairent dans les déchets amassés au bord de l’eau.

Au loin, un homme se détache des habitations et s’avance vers nous. Sûrement notre rendez-vous. Il porte un élégant boubou de couleur bordeaux. Ses pas lèvent un nuage de poussière qui le nimbe d’un voile doré. Un parapluie multicolore flotte au-dessus de sa tête pour lui épargner la brûlure du soleil. Tout à coup, l’homme est devant nous et nos mains disparaissent dans les siennes. « Manon, Marion, chères amies, nous vous souhaitons la bienvenue à Djirnda ».

Ansoumana Thiare, principal du collège, se présente et nous dirige vers une petite troupe réunie dans la cour de l’école communale où celui qu’on surnomme « prince » attribue des visages à des noms déjà bien connus. Nous rencontrons enfin Amade Diouf, directeur de l’école primaire, Oumi Fall, représentante des mères d’élèves, Doudou Sage, président de l’association des jeunes, et le chef du village, qui nous font l’honneur de nous accueillir.

Ils nous entraînent vers le collège situé de l’autre côté du village, un peu à l’écart des habitations. Amade nous parle de la vie quotidienne des habitants du Saloum, de ses ambitions pour les élèves et pour le village, avec un sourire extraordinaire. À mesure que nous progressons entre les maisons, nous sommes rejoints par d’autres membres de la communauté : l’imam, les représentants des parents des établissements scolaires et toute une volée d’enfants joyeux nous emboîtent le pas. C’est à l’ombre du vieil acacia de la cour du collège qu’on nous fait asseoir alors qu’un cercle se forme devant nous.

• 15 jours chez l’habitant dans le village de Djirnda

Djirnda est un gros village d’environ 5 000 habitants : le village est en pleine expansion démographique, grâce à son accès privilégié à l’eau « potable » (aduction d’eau) partout dans le village et à son alimentation en électricité garantie nuit et jour grâce à une centrale électrique mixte (panneaux solaires et groupes électrogènes au pétrole) gérée main dans la main avec une entreprise allemande.

Pourtant, d’un point de vue naturel, le village est plutôt déshérité : l’île sur laquelle il est construit est très aride, du fait d’une terre extrêmement salée. Contrairement à d’autres îles du Saloum, peu de plantes y poussent, et les constructions souffrent énormément de la saturation en sel des sols : le sable utilisé dans le béton de construction étant très salé, les bâtiments se dégradent très vite… Et ce sans compter sur les fortes précipitations de la saison des pluies, qui font monter le niveau des eaux du fleuve et sont très destructrices pour les toits de tôle. Les zones moins salées bénéficient d’un peu plus de végétation, notamment des arbres, alliés salvateurs dans ces terres chaudes et exposées, et sont très recherchées pour les constructions nouvelles.

Le directeur de l’école primaire, Amade Diouf, se bat depuis des années pour faire déplacer les bâtiments de l’école, situés près du rivage et particulièrement exposés au sel, à l’aridité et à la montée des eaux, dans une zone plus accueillante, non loin du collège-lycée.

Dans les rues, le bétail (ânes, vaches, moutons, chèvres, poules, pintades…) se promène librement dans la journée, dans un joyeux vacarme. Et tout ce petit monde sait très bien retrouver le chemin de sa maison (et de sa gamelle) au coucher du soleil !

– Logement et vie quotidienne
Pendant notre séjour sur place, nous laissons Didier quitter Djirnda avec SYLA pour faire sa tournée des dispensaires du Saloum, et emménageons dans la famille Thior, qui nous accueille royalement dans une des grandes maisons carrelées (toujours au toit de tôle) qui constituent les plus beaux bâtiments du village. Durant notre séjour, la pièce d’eau privée attenante à notre chambre sera même équipée d’un vrai lavabo et d’une douche : un luxe dont nous espérons qu’il n’a pas été installé juste pour nous… L’eau courante étant tout de même très irrégulièrement présente au lavabo (souvent un filet d’eau, parfois pas du tout), nous nous convertissons néanmoins, comme tout le monde, à la douche au seau et au petit pot d’eau, qui fonctionne très bien et permet d’économiser beaucoup d’eau.

Ce sont Fatou et Aminata, deux jeunes femmes d’une maison voisine, qui nous apportent à manger 3 fois par jour, dans de généreuses portions qui participeront à l’agrandissement certain de notre estomac jour après jour… et nous donneront souvent très chaud, à généreux coup de piment ! Nous aurons ainsi un aperçu assez complet des plats typiques sénégalais, entre thiéboudienne (blanc ou rouge), yassa (poulet ou poisson), mafé de poisson, farcis (chair de poisson mixée et façonnée en rouleau avec de l’œuf en son milieu), petites crevettes du Saloum en curry, poisson grillé ou frit, riz, pâtes, patates douces et même frites pour les grands jours, mais aussi thiakry (à base de lait et de mil), et jus de bissap.

– Cuisine avec Aissatou
Avides d’apprendre à cuisiner nous-mêmes quelques plats emblématiques pour nous souvenir longtemps de nos émotions sénégalaises, nous demandons des conseils à notre hôte Assaitou… Nous nous réunissons toutes les trois dans la cuisine, au fond de la cour, dans la moiteur d’une fin d’après-midi, afin qu’elle nous livre tous les secrets du thiéboudienne, qui se transmettent de mère en fille sénégalaises depuis la nuit des temps. Debout, mais pliée en 2 quasiment jusqu’au sol dans cette position éreintante qui est celle des femmes sénégalaises une bonne partie de la journée, elle nous montre comment laver et couper le riz et les légumes, piler le nokoss, faire chauffer oignons, riz, légumes et poisson dans un bouillon savoureux, sans oublier aucun des petits détails qui donnent toutes ses saveurs au plat national du Sénégal.

Parallèlement, elle nous montre aussi comment préparer le fameux jus de bissap dont nous nous régalons depuis notre arrivée au Sénégal. Peu de choses poussent sur l’île de Djirnda, mais les femmes du village peuvent ramasser dans la mangrove les fleurs d’hibiscus rouge qui permettent de le préparer, notre jus de bissap est donc vraiment très local !

– Vie locale
Ces deux semaines passées à Djirnda nous permettent de partager beaucoup de précieux moments de vie quotidienne en bonne compagnie. Nous passons des heures à discuter et refaire le monde avec les enseignants de l’école et du collège en sirotant l’Ataya, thé à la menthe sucré, préparé très soigneusement et longuement (généralement par un jeune homme) et bu en 3 services : le premier (l’Eweul) « amer comme la mort », le deuxième (Niarel) « doux comme la vie », et le troisième (Tarhis) « sucré comme l’amour ».

Faute de pouvoir assister aux incontournables tournois de lutte sénégalaise qui réunissent toute la population dans une grande fièvre collective (aucun n’est programmé à Djirnda pendant notre séjour !), nous avons droit à une soirée de danse proposée par les jeunes élèves d’une école de danse du quartier des Thior. Et là-bas, on ne plaisante pas avec la danse, qui prend totalement possession des corps au rythme effréné des tams-tams, dans une transe partagée et joyeuse qui fait fort battre les cœurs.

Pour finir ce séjour en apothéose, nous sommes bien gâtées par toute l’équipe du collège qui, pour nous remercier de notre visite et de la « livraison » de l’Ideas cube, nous offre 2 superbes robes en tissu traditionnel teinté en Casamance et cousues sur mesure par Cheick Sonko, prof d’anglais aux doigts d’or qui est aussi gestionnaire du collège, couturier, peintre et référent « informatique et technologie » dans tout le village… Il nous surprend même en peignant un superbe tableau à l’huile spécialement pour nous. Merci pour tout chers amis !

• Mission IdeasCube et échanges scolaires

Oui, car bien sûr, nous ne sommes pas venues à Djirnda uniquement pour nous imprégner de la vie locale : notre présence ici est l’aboutissement de plusieurs années de préparation et de travail, qui ont impliqué tout un groupe de personnes d’horizons très différents…

La médiathèque numérique Ideas Cube, conçue par Bibliothèques sans frontières, va donc être installée et utilisée principalement au collège-lycée de Djirnda. Celui-ci compte environ 600 élèves, venant du village mais aussi du village voisin de Fambine situé sur la même île, de la 6e jusqu’en 1re . Une terminale doit ouvrir à la rentrée 2022, achevant ainsi la transformation du collège en lycée à part entière. Les élèves y sont réunis à environ 60 par classe, sauf en filière scientifique, qui ne compte que 6 élèves ! Comparés à nos standards occidentaux, les conditions sont primaires : réunis autour d’un immense acacia qui apporte son ombre salvatrice dans la cour, plusieurs bâtiments au toit de tôle, sans vitre aux fenêtres, au sol de terre battue. Pas d’électricité bien sûr, mais nous apprenons en arrivant que le raccordement doit se faire très prochainement, ce qui est une excellente nouvelle pour faciliter l’utilisation de l’Ideas Cube. En effet, un nouveau bâtiment, dédié à des espaces administratifs, est en construction et c’est lui qui sera raccordé à l’électricité. Une pièce y est réservée à une future bibliothèque, qui pourra accueillir la grosse « flycase » dans laquelle est stocké tout le matériel de la médiathèque.

Après avoir pris le temps d’installer et retester tout le matériel en conditions réelles dans une salle de classe vide du collège, nous organisons plusieurs sessions de formation pour initier toute une équipe d’enseignants, de personnels administratifs du collège et de quelques femmes du village, à l’utilisation et à l’animation de l’Ideas Cube. Certains profs sont très à l’aise avec l’outil informatique et comprennent très vite le fonctionnement du matériel, imaginant vite les premières utilisations qu’ils pourront en faire. Pour d’autres c’est un peu plus long, mais tout le monde finit par apprivoiser les manipulations techniques et les contenus, et nous espérons qu’ils réussiront à se les approprier et qu’ils leur seront utiles.

Nous prenons le temps de tourner toute une série de vidéo tutoriels que nous laissons à disposition sur le PC de gestion de la médiathèque, sur toutes les manipulations possibles autour de la médiathèque : ainsi, chacun pourra se remémorer les différents éléments d’utilisation en toute autonomie.

Nous mettons en place ensemble un système de suivi mensuel, pour que l’équipe de gestion de la médiathèque nous fasse remonter quand, comment et par qui le matériel a été utilisé chaque mois, mais aussi les problèmes rencontrés. Nous reviendrons au village avec Kannjawou en novembre 2022, pour assurer le suivi sur le terrain après 1 an d’utilisation et optimiser les usages au quotidien.

Toujours pour pérenniser au maximum notre action, nous nous rendons dans la grande ville de Foundiougne, à 2 heures de pirogue à l’entrée du Saloum, sur le continent, pour y rencontrer l’inspecteur académique référent du collège de Djirnda. Nous étions déjà en contact avec lui par l’intermédiaire de notre chère Adjaratou Senghor, présidente de l’association locale Femmes Plus qui a tant œuvré pour notre projet sur place en amont. Ainsi, tous les acteurs de terrain sont réunis pour, chacun à leur poste, permettre à l’Ideas Cube d’être utilisé au mieux et d’être le plus utile possible pour favoriser l’éducation et l’accès à l’information à Djirnda.

Nous sommes très déçues de ne pas pouvoir rencontrer Adjaratou, qui est prise par beaucoup d’obligations à Fatick et en Casamance en cette fin novembre, mais nous espérons pouvoir mieux nous coordonner lors de notre retour en 2022 !

Nous lançons aussi, à l’école et au collège, des partenariats avec une école et des collèges français : des élèves de CM1 et de 5e rédigent, avec l’aide de leur enseignant, des lettres que nous donnerons à des élèves des mêmes niveaux de CM1 de Plouër-sur-Rance et de 5e de Paris et Nanterre. Nous espérons que ces échanges, entre jeunes aux vies si différentes mais aux aspirations et aux passions proches, seront fructueux…

• Explorations au Saloum

En marge de nos actions, nous voulons bien sûr en profiter aussi pour découvrir le Saloum.

– Fambine

Nous profitons du passage à Djirnda de nos copains de Saint-Malo Pierre et Lucie, qui sont sur place avec leur voilier Sauve qui Peut pour initier soignants et écoliers aux gestes qui sauvent. Nous empruntons ensemble une passerelle en bois pour le moins délabrée qui relie Djirnda au plus petit village de Fambine. Les 2 villages sont situés sur la même îles, mais séparés par un petit bras de bolong, qui rend cette passerelle nécessaire. Bien qu’elle soit empruntée matin et soir tous les jours par de nombreux collégiens (il y a une école à Fambine, mais pas de collège-lycée) et autres habitants, celle-ci est dans un triste état, avec des planches cassées, rafistolées à la va-vite, et même une portion au début où il n’y a plus de passerelle : il faut marcher sur le sol dans, à marée haute, environ 1 mètre d’eau… Manon fera les frais de la décrépitude de la passerelle, avec une chute épique sur une planche cassée, saisie par Pierre en vidéo par un (heureux) hasard…

À Fambine, village qui nous paraît plus pauvre que Djirnda, nous passons du temps à observer des charpentiers qui fabriquent et réparent les grandes pirogues en bois des pêcheurs. Cela témoigne d’un savoir-faire ancestral et demande un long travail, et les coûts d’achat d’une pirogue sont vraiment énormes : environ 4 millions de francs CFA (6 000 €) un sacré investissement pour tous les pêcheurs du Saloum, la pêche étant la ressource principale ici.

– Moundé

Pierre et Lucie, en plus de nous chouchouter en nous servant crêpes, caramel beurre salé et cidre de la Rance à bord, nous emmènent avec eux jusqu’au village de Moundé, véritable petite oasis qui nous fait une forte impression. Là-bas, contrairement à Djirnda, tout est vert : les palmiers, manguiers, rhoniers, fromagers et baobabs sont légion et offrent une ombre et une fraîcheur salvatrices. En marchant vers le village depuis l’embarcadère, nous rencontrons un groupe de femmes et d’hommes en train de récolter l’arachide, qui commencent à chanter et danser en nous voyant arriver : un moment incroyable plein de joie de vivre qui nous donne des frissons.

La population y tire parti de la nature plus généreuse, en ramassant les fruits (mangues, ditakhs…), en récoltant le miel et l’arachide… Alors que nous cherchons l’infirmière référente du village avec Pierre et Lucie, nous sommes conviés dans la cour d’une maison où les femmes nous invitent à piler les ditakhs avec elles, pour en faire du jus. Ce drôle de fruit vert qui a presque la peau d’un avocat, peut se croquer directement, mais est plutôt consommé une fois transformé en jus ou en purée.

– Sortie scolaire dans la mangrove

Pour explorer le Saloum au départ de Djirnda, il faut prendre la pirogue, parfois pour plusieurs heures… Nous avons été invitées à prendre part à une sortie scolaire en pirogue dans la mangrove avec le « club environnement » du collège, en compagnie d’un garde des Aires Marines Protégées, qui œuvrent toute l’année pour préserver cet écosystème unique et précieux, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. La sensibilisation des populations est un axe majeur de leurs interventions.

Pour retarder la montée des eaux (visible et rapide, d’année en année), ils apprennent aux habitants à ne plus prélever de sable des berges pour en faire du ciment et à ne plus couper la mangrove pour utiliser son bois pour le feu. Ils régulent également les pratiques de pêche en fonction des zones de frayage et de reproduction des poissons, afin de préserver l’écosystème marin et la ressource halieutique. Ici, les messages environnementaux résonnent d’une manière forte, car le réchauffement climatique, la pollution ou la pêche intensive ont des répercussions directes et très fortes sur la vie des Sérères du Saloum : on mesure à quel point l’écologie est une question de survie.

– NDangane
Nous partons également en pirogue vers le village de NDangane (à 2 heures de là), relié par la route à Dakar et donc carrefour important d’échanges pour la région. Nous y assisterons à un tournoi de lutte réunissant des grands lutteurs du pays, dans un engouement incroyable du public : nous ne comprenons pas tous les enjeux et les règles, mais nous voyons comme ce sport national (vedette partagée avec le football, bien sûr) peut déchaîner les passions !

Au retour de NDangane, nous partons avec la pirogue affrétée par le principal du collège pour ramener un gros chargement de matériaux de construction pour le nouveau bâtiment du collège. Ce sont des jeunes garçons élèves du collège qui ont été envoyés pour récupérer le chargement et l’installer à bord de la pirogue : pleins d’énergie et de joie de vivre, ce sont des jeunes comme chez nous, mais un peu plus dégourdis que les élèves nanterriens de Marion, qui n’ont pas l’habitude de débarquer des sacs de ciment ou d’écoper parce que la pirogue/bus scolaire prend l’eau ! Quand le moteur de la pirogue tombe en panne, puis que la pirogue s’échoue en attendant qu’on vienne nous dépanner, personne ne s’énerve à bord et chacun en prend son parti en attendant la délivrance, car il y a toujours une solution en Afrique, même s’il faut patienter pendant 2 heures sous un soleil de plomb.

– Foundiougne
L’autre grande ville la plus proche de Djirnda est également située à 2 heures de pirogue, à Foundiougne. Elle est connue et fréquentée par des habitants de tout le Saloum pour son grand marché hebdomadaire du mardi, où nous nous rendons aux aurores… Le trajet aller dans la nuit et le vent frais du mois de décembre est glacial ; celui du retour sous le soleil, étouffant. Mais le marché nous plaît beaucoup, et la lumière du matin nous permet de prendre de belles images.

– Mar Lodj
Nous visitons aussi la jolie île (un peu plus tourisitique) de Mar Lodj, où nous retrouvons (sans nous être concertés !) les équipages Voiles sans frontières de Goustan (Energie au grand large) et Sauve qui Peut. Nous assistons à la messe dans la seule église catholique du Saloum, au son des tamtams et en wolof bien sûr. Et sur la place du village, nous trouvons une curiosité rigolote : le fameux « tam tam téléphonique », dans une vraie cabine, dont le nom humoristique illustre simplement comment les habitants peuvent communiquer d’un village à l’autre au son de l’instrument.

– Djilor Djijack
Enfin, juste avant notre départ, nous faisons une excursion jusqu’au village natal de Léopold Sédar Senghor, surnommé affectueusement « Léo » et adulé dans la région. En effet, s’il a longtemps dit être né à Joal, une plus grande ville sur la Petite Côte du Sénégal (qui avait le mérite d’apparaître sur les cartes officielles), c’est bien dans le tout petit village de Djilor Djijack qu’il a grandi. Nous y visitons le Musée d’Art et d’Histoire des Cultures d’Afrique de l’Ouest, une collection extrêmement riche d’objets d’arts et d’histoire dévoilée au public par son propriétaire, au fond d’un magnifique jardin tropical, dans lequel se trouve aussi un excellent restaurant où nous nous régalons de plats locaux raffinés. Un petit bijou à ne pas rater si vous passez dans le Saloum !

• Retour en France en passant par Dakar

NDangane, 3 heures du matin : nous nous glissons dans l’obscurité des rues du village, endormies et alourdies par le poids de nos sacs. À cette heure il fait bon, presque frais. En approchant de la route principale, nous distinguons de nombreux petits groupes de gens qui convergent tous vers la même direction : l’arrêt de bus local, qui part chaque matin avant l’aurore vers la capitale. Pour nous, c’est direction l’institut Pasteur à Dakar pour un petit test PCR matinal, avant de faire route vers l’aéroport…

Car oui, il est déjà temps de quitter le pays de la Térenga pour rejoindre la France. Au menu : froid glacial, retrouvailles, fêtes de fin d’année en famille, puis une saison comme femmes de chambre dans un hôtel de luxe à la montagne pour remplir un peu la caisse de bord. Changement de décor et d’ambiance assuré : voilà les surprises et les mille visages que nous réserve notre vie de nomades… Nous apprenons à nous adapter et à tirer le meilleur de ces rebondissements, et ça n’est pas pour nous déplaire. Pour quelques mois, à nous la neige, le ski et les vues à couper le souffle sur le magnifique pays du Mont Blanc.

On se retrouve à Tenerife au printemps 2022, de retour auprès de notre beau Kannja’ !


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